Le prix Apollinaire 2025 : une soirée de haute poésie aux Deux Magots

Photo : © DR

Lundi 17 novembre, dans l’atmosphère feutrée et effervescente des Deux Magots, le Prix Apollinaire a célébré une cuvée 2025 d’une rare intensité. Entre double distinction pour la catégorie Découverte, mention spéciale exceptionnelle et consécration d’un flâneur contemporain, la cérémonie a révélé un paysage poétique plus vivant que jamais.

L’événement, organisé traditionnellement rive gauche, s’est ouvert sur la catégorie « Découverte ». Le président du jury, Jean-Pierre Siméon, l’a rappelé d’emblée : face à deux manuscrits d’une qualité également remarquable, trancher semblait impossible. D’où la décision — rare — de décerner deux Prix Apollinaire Découverte.

La première lauréate, Laura Tirandaz, a été récompensée pour J’étais dans la foule (Héros-Limite). Son recueil, d’une sobriété maîtrisée, capte les silhouettes anonymes de la ville, les regards furtifs, les mouvements de foule, les solitudes brèves. Un texte fin, empathique, qui observe en retrait et laisse affleurer une humanité discrète.

Le second prix Découverte a distingué Tom Buron pour Les cinquantièmes hurlants (Gallimard). Un chant ample, traversé d’élans marins et de visions contrastées, où la langue se fait tour à tour litanique, lyrique et acérée. Le poète, marqué par des engagements humanitaires récents en Europe de l’Est, y explore une tension entre lucidité et vertige, ancrage et déferlement.

Une mention exceptionnelle pour un texte des lisières

Après ces deux premiers hommages, le jury a tenu à saluer un ouvrage qui, sans être le lauréat principal, s’était imposé avec force dans les discussions. Une mention spéciale du jury, fait exceptionnel, a ainsi été attribuée à Benjamin Guérin pour Quand nous étions des loups (Corlevour). Ce texte mêle méditation écologique, réflexion philosophique et retour brutal du sauvage : une poésie des lisières, née au contact direct avec les animaux et les territoires frontaliers entre humain et non-humain.

Le temps est alors venu d’annoncer le grand lauréat. Le Prix Apollinaire 2025 a couronné Étienne Faure pour Séries parisiennes (Gallimard). Le jury a salué un « nouveau flâneur des deux rives », héritier d’Apollinaire mais aussi des piétons attentifs de Paris. Le recueil, structuré en seize sections, déploie une observation minutieuse du réel : objets humbles, scènes de rue, anonymes en mouvement, tout devient matériau poétique, capturé comme au fusain — en noir et blanc ou en couleur.

En rassemblant ce lundi 17 novembre au café littéraire des Deux Magots une nouvelle génération de voix, des éditeurs engagés et des lecteurs fervents, le Prix Apollinaire 2025 a rappelé que la poésie demeure un territoire en mouvement : attentif, contrasté, ouvert, nécessaire. Une soirée dense et lumineuse, à l’image des ouvrages récompensés.

Étienne Faure pour Séries parisiennes (Gallimard).

Seize étonnantes séries en prose et en vers, pour approcher un Paris furtif via des angles de vue inédits, riches en surprises.
Des vues de quartier saisies au bord de la Seine et du canal Saint-Martin, dans les bars et les théâtres, dans les cours, les gares et les squares et près des bêtes qui respirent à Paris… Et puis les amours, côté chambre, les cages d’escalier où monte et descend chaque jour, en rapides haïkus, la vie.
Des vues inhabituelles où surgissent l’Histoire, les gestes et les mille instants de la rue, et quelques hommages

Benjamin Guérin pour Quand nous étions des loups (Corlevour)

Ce livre part d’un événement réel, une attaque de loups dans le jardin de la maison où vit le poète. Pendant une année, celui-ci a suivi leur piste en forêt, découvrant plusieurs chemins d’approche, dont ces poèmes sont la trace. Ce livre explore l’ambivalence entre les humains et les loups, loin des imageries habituelles, pour parler de la porosité de la frontière actuelle entre l’humain et le sauvage. Ces poèmes existentiels offrent ainsi une élégie forestière, au temps de l’éco-anxiété, des néo-chamanismes et de la mondialisation sauvage.

Tom Buron pour Les cinquantièmes hurlants (Gallimard).

« Au-dessous de 40° sud il n’y a plus loi. Au-dessous de 50° sud il n’y a plus Dieu. »
Les cinquantièmes hurlants est le chant démentiel d’un navigateur embarqué pour un périlleux voyage en mer à l’approche des limites. Dans cette oscillation entre le réel et le fantasmatique, la maîtrise et la déraison qui hantent la voix unique de Tom Buron, la possibilité du retour n’existe pas.
Un éloge de l’aventure et du risque, une expédition géographique et métaphysique à travers les flots et la mémoire portée par un vers au rythme fluide et puissant, une musique envoûtante et féroce.

Laura Tirandaz pour J’étais dans la foule (Héros-Limite)

«J’étais dans la foule», la phrase revient au fil des pages, au gré des mouvements des passants et des passantes. Là où le «je» se perd à imaginer les drames et les plaisirs que cachent les corps anonymes. Paysages de jour et de nuit, habités par ce désir anxieux de multiplicité, par la douceur trompeuse de l’anonymat. Les mots se confrontent à cette ambivalence, subissant cet effet d’attraction ou de répulsion. On s’absente parfois en regardant la circulation lointaine des lumières blanches, des silhouettes brumeuses, dans ces heures d’affluence où les hommes et les femmes se croisent avant de s’éparpiller au hasard des rues.

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