23 Juin À Nantua : quand la poésie résistait à la barbarie
Informations pratiques
- Dates : 20 juin au 21 septembre
- Lieu : Musée de la Résistance et de la Déportation – Nantua (01)
- Accès : gratuit sur réservation
Du 20 juin au 21 septembre 2025, le Musée de la Résistance et de la Déportation de Nantua accueille une exposition bouleversante, reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture : « Poésie et Résistance ». Une immersion sensible dans un pan méconnu mais essentiel de l’histoire de la lutte contre l’oppression nazie : le combat par les mots.
« À quoi bon des poètes en temps de détresse ? » s’interrogeait le poète allemand Hölderlin. La France des années 1940, broyée par l’Occupation, répondra avec éclat : les poètes sont nécessaires, vitaux, résistants. L’exposition orchestrée par Vincent Gille retrace cette parole insurgée, faite de vers et de cris, de douleurs et d’espoir. Elle offre un parcours chronologique documenté où la poésie se révèle être un acte de résistance à part entière
L’art de dire non
Dès les premiers jours de l’Occupation, les poètes entrent en résistance. Paul Éluard, Louis Aragon, René Char, Jean Cassou, ou encore Robert Desnos — arrêté par la Gestapo, mort au camp de Theresienstadt — forgent une langue contre l’oubli et le silence. L’exposition présente des manuscrits originaux de textes devenus mythiques : Liberté (Éluard, 1942), La Rose et le Réséda (Aragon, 1943), ou encore Le Chant des Partisans (Kessel et Druon, 1943), devenu l’hymne de la France libre.
Ces poèmes, souvent diffusés clandestinement dans les maquis, les prisons ou même à l’intérieur des camps, ont été publiés dans des revues secrètes comme Fontaine, L’Honneur des poètes ou Les Lettres françaises, que l’exposition exhume dans leur forme originale. Leur pouvoir ? Une forme courte, mémorisable, transmissible. Un cri dans la nuit.
Une poésie engagée, incarnée
« La poésie doit-elle témoigner de son époque ou s’en abstraire ? » interroge le commissaire Vincent Gille. Une question centrale dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, où nombre de poètes ont choisi de mettre leur plume au service de la liberté. Mais aussi une interrogation contemporaine : quelle est la place de l’artiste dans le monde troublé d’aujourd’hui ?
Des lectures publiques dans les cours du musée, des visites guidées (notamment par Vincent Gille lui-même le 14 septembre), des ateliers de haïku et un parcours famille complètent cette exposition ambitieuse. L’ensemble forme un pont entre les générations, rappelant que les vers peuvent être des armes, et la poésie une forme de courage
Boris Taslitzky (1911–2005)
Scène vécue, 1944
Cette lithographie fait partie de l’album Vaincre, publié clandestinement par le Front national des arts. Œuvre de Boris Taslitzky, elle dépeint avec une intensité tragique une scène de la vie sous l’Occupation.
Biographie : Peintre et résistant d’origine russo-juive, Boris Taslitzky est interné en 1941, puis déporté à Buchenwald. Il y dessinera en cachette la vie des prisonniers. Avant cela, il participe activement au Front national des arts, un réseau de plasticiens résistants, publiant dessins et gravures clandestines.
Fontaine, n°14, juin 1941
Numéro emblématique de la revue Fontaine, publié à Alger en juin 1941. Cette publication fut l’un des principaux vecteurs de la poésie de résistance en Afrique du Nord.
Contexte : Fondée par Max-Pol Fouchet en 1939, Fontaine devient, durant la guerre, un organe de résistance intellectuelle depuis l’Algérie libre. Ce numéro rassemble poèmes, essais et critiques s’opposant à l’idéologie nazie. Y collaboreront Éluard, Aragon, ou encore René Char.
PC 40 (Poètes casqués 1940), mars 1940
Revue clandestine fondée par Pierre Seghers.
Contexte et portée : lancée en mai 1940, imprimée aux Anglés, cette revue connut quatre numéros avant d’être renommée Poésie 40 à l’automne. Elle était conçue comme un espace d’expression pour des poètes mobilisés, refusant que la littérature céda face à la débâcle et à l’Occupation. Le quatrième opus, daté du 31 juillet 1940, témoigne de cette volonté de « maintenir la poésie » malgré la tourmente.
Paul Éluard – Poésie et Vérité, 1942
Première édition clandestine de Poésie et Vérité 1942, publiée par Éluard sous l’Occupation. Ce recueil contient le célèbre poème Liberté, imprimé en secret puis parachuté par les Alliés sur la France occupée.
Biographie : Paul Éluard, pseudonyme d’Eugène Grindel, est une figure majeure du surréalisme. Engagé dans la Résistance dès 1941, il rejoint les éditions clandestines de La Main à plume et publie des textes devenus des symboles de l’insoumission littéraire. Son poème Liberté sera diffusé par tracts, radio, et avions alliés.
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