Ressacs

Photo : © Francesca Mantovani © Editions Gallimard
Ressacs
Alexis Bardini – Éditions Gallimard

Certains livres ne se contentent pas de raconter : ils frappent, se retirent et reviennent comme une vague. Ressacs, d’Alexis Bardini, appartient à cette catégorie. Ici, la poésie n’adoucit pas, elle bouscule. Le poète met en scène un dialogue tendu avec son ombre, oscillant entre confidences et affrontements. En filigrane, une absence obsédante : celle de la mère, dont la disparition hante chaque page.

La mer comme miroir d’un manque

Le choix du titre n’est pas gratuit : le ressac est ce mouvement violent qui renvoie la vague contre elle-même. Bardini y inscrit sa lutte intérieure. La langue française, en juxtaposant mer et mère, offre une équivoque que l’auteur exploite pleinement. La mer est partout, matérielle et infinie, quand la mère n’existe plus qu’à travers des bribes de mémoire et le chagrin.

Ce n’est pas un recueil qui cherche l’apaisement. Ressacs refuse le deuil autant qu’il l’explore. Les vers se font coups de poing, incantations, parfois implorations :
« De quoi est fait le sol / Sur quoi tout est bâti / Si ce n’est de nos morts / Leurs amours et leurs peines ? »
La poésie devient ici une façon de tenir debout, de rattraper l’ombre par les mots, quitte à l’affronter encore et encore.

Héritage et singularité

Bardini ouvre son livre avec une phrase de Pierre Michon : « Toutes choses sont muables et proches de l’incertain ». Le ton est donné : on parlera de fugacité, de perte, d’attachements brisés. Mais le recueil évite l’hommage scolaire. La voix de Bardini se distingue par une gravité souple, capable d’alterner rudesse et murmure. Là où d’autres poètes se replient dans l’abstraction, il choisit la frontalité, sans pour autant sacrifier la subtilité des images.

Avec Ressacs, Bardini, déjà remarqué pour Une épiphanie ou Le vent qui porte les pollens, confirme une écriture qui assume son exigence sans perdre le lecteur. L’ombre devient personnage, la mère devient paysage, et le langage devient outil de survie. Ce n’est pas une poésie décorative : c’est une poésie de combat, où chaque mot tente de repousser l’oubli.

Pourquoi lire Ressacs

Parce qu’il rappelle que la poésie n’est pas un objet muséal mais une expérience directe. Parce qu’il montre qu’un poème peut encore cogner, griffer, et parfois consoler. Et surtout parce que ce livre, dans son duel avec l’ombre, pose une question simple et universelle : comment continuer quand les absents ne reviennent pas ?

Ressacs ne propose pas de réponse définitive. Mais il tient tête. Et parfois, tenir tête suffit.

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