16 Oct Césaire, la parole insurgée à Normale Sup
Informations pratiques
- Dates : 14 novembre 2025
→ 10 janvier 2026 - Lieu : 45 rue d’Ulm, Paris 5ᵉ
- Accès : libre et gratuit,
La bibliothèque principale du département des Lettres de la rue d’Ulm à Paris déploie, du 14 novembre au 10 janvier 2026, une exposition construite autour du Cahier d’un retour au pays natal. Manuscrits, correspondances et estampes y dessinent les circulations esthétiques et politiques d’Aimé Césaire entre 1935 et 1956 — de Fort-de-France à La Havane, d’Haïti à Paris.
Un parcours resserré, des pièces majeures
Le cœur battant de l’exposition est le Cahier d’un retour au pays natal (1939), dont l’ENS rappelle qu’il fut « en partie écrit sur ses bancs ». Autour de ce pivot, les bibliothèques partenaires — INHA, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, bibliothèque de l’Assemblée nationale — et des fonds privés (Fondation Wifredo Lam) prêtent des documents rarement visibles : correspondances, tirages, éditions et estampes. L’ensemble recompose un paysage intellectuel autant qu’affectif, où se croisent Benjamin Péret, Pierre Mabille, Suzanne Roussi Césaire, Helena Holzer, entre autres acteurs des avant-gardes.
Si l’exposition privilégie l’archive, elle rappelle surtout l’onde de choc du Cahier. Publié en revue en août 1939, repris en 1947 (Brentano’s puis Bordas), ce long poème en prose, marqué par le surréalisme, installe une parole de rupture qui deviendra l’un des points de départ de la négritude. Sa fortune éditoriale et critique — des rééditions de Présence Africaine aux analyses universitaires — atteste sa place cardinale dans les littératures francophones du XXᵉ siècle.
Réseaux et fraternités : Lam, Breton, Tropiques
Le parcours met en scène la constellation d’alliances forgées pendant et après la parution du Cahier. À Fort-de-France, la rencontre avec André Breton et la revue Tropiques — fondée par Aimé et Suzanne Césaire avec René Ménil — aimante artistes et écrivains. L’axe Césaire–Wifredo Lam y tient une place de choix : des premières illustrations du Cahier aux estampes d’Annonciation, le dialogue texte-image s’éprouve aussi à travers Helena Holzer, épouse de Lam dans les années 1940, figure confirmée par les archives de l’artiste.
Un colloque international le 4 décembre 2025 abordera traductions, poétique, mystique et inflexions politiques de Césaire. Le poète Nimrod donnera des extraits de Babel, Babylone ; la journée sera scandée par des lectures des étudiants de l’association AfricanaENS, avec un focus sur la place des femmes — les sœurs Nardal et Suzanne Césaire — dans l’avant-garde de la négritude. La direction scientifique réunit Jean Khalfa, Dominique Combe, Cécile Gobbo et Camille Dorignon.
L’ENS place le Cahier au centre d’une interrogation toujours vive : comment une poésie peut-elle armer une pensée émancipatrice ? De l’« incantation » à la critique des hiérarchies raciales, Césaire articule une langue qui retourne les catégories coloniales. Les études récentes rappellent que la négritude s’y formule à la fois comme conscience, révolte et recomposition du monde — un socle qui irrigue les luttes afro-descendantes et les réécritures de l’histoire culturelle jusque dans les arts visuels.




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