13 Août Grégoire Leprince‑Ringuet salué par l’Académie française
Connu pour ses rôles au cinéma, Grégoire Leprince‑Ringuet s’impose avec Les Entrelacs comme une voix singulière de la poésie contemporaine. Un recueil en vers classiques, récompensé par l’Académie française, qui conjugue exigence formelle et profondeur intellectuelle, loin des facilités du vers libre.
Un choix de forme audacieux et assumé
Publié en avril 2024 aux éditions La Rumeur Libre, Les Entrelacs prend le contre-pied de la poésie contemporaine dominante. Préférant l’alexandrin, le sonnet et l’octosyllabe aux constructions libres, Leprince-Ringuet fait le pari d’une tradition revisitée.
Préfacé par William Marx, le recueil est présenté comme une « mystique de la forme ». Composer aujourd’hui dans les cadres anciens, note Marx, n’a rien de passéiste : cela devient un geste neuf, presque subversif. La régularité devient tension, la rime, mémoire vivante
Une sensibilité à l’écoute du monde
Les poèmes abordent des thèmes universels — enfance, nature, perte, amour, conscience — avec une attention fine aux détails. Une branche qui tombe, un coquelicot, une cueillette de mûres : chez Leprince-Ringuet, le sensible devient symbole, le fugace, durable.
Ce n’est pas une simple collection d’images : chaque vers est porté par un regard qui refuse la sentimentalité facile, au profit d’une émotion contenue, minutieusement sculptée.
Loin de tout esthétisme creux, Les Entrelacs revendique une densité conceptuelle. Le poète explore la condition humaine avec rigueur, comme dans ce quatrain :
« Je n’ai pas de corps, j’en suis un.
Cette machine est ma substance.
Mécanique sans connaissance,
Serais-je ton enchantement ? »
Inspiré par Valéry, Leprince-Ringuet affirme que la pensée n’est pas l’ennemie de l’émotion, mais son alliée. La beauté, chez lui, est toujours réfléchie.
Une démarche cohérente et critique
Dans un entretien pour Souffle inédit, l’auteur souligne son attachement à la technique poétique. Le vers régulier lui impose une concentration sur le rythme, la syntaxe, le choix des mots. Il y voit une contrainte féconde, là où le vers libre lui paraît, selon ses mots, encore « en friche ».
Il s’oppose frontalement à certaines tendances : la poésie « perdue d’avance » enfermée dans la plainte, la « révoltée » sans épaisseur, ou la « super sincère » qu’il juge sans exigence formelle. Pour lui, la contrainte clarifie la pensée, affine la sensibilité, élève le propos.
Si Grégoire Leprince‑Ringuet s’est d’abord fait connaître comme comédien, il distingue clairement ses deux activités. La diction du théâtre et la rigueur de la versification partagent une précision, mais la poésie, dit-il, suit un autre chemin : plus intime, plus solitaire, plus exigeant.
Son travail, salué en juin 2025 par le Prix Lucette‑Moreau de l’Académie française, s’inscrit dans une filiation poétique exigeante — entre Baudelaire, Valéry et aujourd’hui.
Les Entrelacs ne se contentent pas d’être un exercice de style. Ils incarnent une conviction forte : celle que la poésie classique peut encore dire le monde, à condition de la pratiquer avec sincérité et rigueur. Dans un paysage poétique parfois éclaté, Grégoire Leprince-Ringuet propose une voie claire, tendue entre forme et pensée. Un geste rare, qui mérite toute notre attention.
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