Zachary Richard en “Transfo”

Photo : © DR - Éditions Écrits des Forges
Transfo
Zachary Richard – Éditions Écrits des Forges

Tu traverses la mer
de ta souffrance pour fuir
mon désir et mes revendications
qui réverbèrent
dans cette maison vide
comme les cris des oiseaux disparus

Depuis cinquante ans, Zachary Richard fait danser la langue française au rythme du bayou. Poète et musicien emblématique de la Louisiane cadienne, il revient aujourd’hui avec Transfo, un sixième recueil publié aux Écrits des Forges, où il explore la métamorphose du monde et la persistance de la beauté. Une poésie d’ancrage et de mouvement, entre eau salée et mémoire vive.

La parole en mouvement

Chez Zachary Richard, tout est question de cycle : le bayou, la mer, les saisons, la mémoire. Sa poésie ne fige rien : elle écoute, elle respire, elle tourne. Dans ces nouveaux poèmes, le lecteur entre dans une langue à la fois dépouillée et incandescente, qui épouse les métamorphoses du monde. Les mots se frottent à la lumière, la nature y devient sœur d’humanité, les paysages deviennent le miroir d’un être qui change.
Ce n’est pas un hasard si le recueil s’ouvre sur une invocation presque chamanique au vent et à l’eau. Richard écrit comme il chante : avec la conviction que la beauté peut être un acte de résistance. Transfo n’est pas un recueil contemplatif ; c’est une manière de tenir debout dans le flux.

D’un delta à l’autre

Né à Scott, en Louisiane, Zachary Richard est une figure centrale de la renaissance cadienne. Ses chansons – de Cap Enragé à Travailler c’est trop dur – ont accompagné toute une génération décidée à ne pas laisser mourir son français. Chanteur, accordéoniste, compositeur et poète, il a fait dialoguer les rythmes du bayou avec les accents du Saint-Laurent, depuis les années 1970.
Installé quelques années à Montréal, il a enregistré plusieurs albums francophones qui l’ont révélé comme un passeur entre les cultures cajune et québécoise. De retour en Louisiane, il a continué d’explorer cette double appartenance : un pied dans les marais, l’autre dans la Francophonie.

« Je suis un homme du Sud qui parle une langue du Nord », aime-t-il dire. Cette tension, entre le sel du Golfe et le souffle du Saint-Laurent, irrigue chacun de ses livres. Du premier recueil Voyage de nuit (1980) à Zuma 9 (2019), en passant par Outre le mont ou Faire récolte (prix Champlain), on suit un homme qui cherche moins à décrire le monde qu’à le réaccorder.
Transfo, sixième recueil, paraît comme une étape naturelle : un livre de passage, mais aussi d’apaisement.

La langue comme refuge

Dans ces pages, on entend le poète parler à la terre, aux bêtes, aux disparus. On entend surtout la langue elle-même : ce français du Sud, tissé d’expressions cajuns, de silences et d’humour. Richard n’en fait pas un folklore, mais une matière poétique, une manière d’habiter le monde autrement.
Cette fidélité à la parole, il la porte depuis toujours. C’est le même homme que l’on voit dans Toujours batailleur, le documentaire de Phil Comeau : droit, engagé, tendre. Le même aussi qui s’est vu remettre l’Ordre des Arts et des Lettres (France) et l’Ordre du Canada – une distinction rare pour un artiste américain – mais qui préfère encore les rencontres dans les écoles et les festivals, « là où la langue se parle sans permission ».

Poète lauréat de la Louisiane française, Zachary Richard incarne aujourd’hui la mémoire vivante d’une culture qui refuse l’oubli. Ses textes, comme ses chansons, prolongent un même fil : la transmission.

“Transformer sans trahir”

Depuis 2023, Zachary Richard est aussi romancier. Les Rafales du carême (Libre Expression) retraçait la vie d’un jeune homme dans une Louisiane d’après-guerre. Ce passage à la prose n’a rien d’un détour : il prolonge la même veine de tendresse et de résistance. Transfo s’inscrit dans cette continuité : c’est une œuvre de survivance, mais lumineuse, traversée d’humour et d’espérance.

Zachary Richard n’a jamais cessé d’être en transfo lui-même. Le musicien est devenu poète, le poète romancier, sans jamais trahir l’essentiel : la foi dans le pouvoir du mot, du chant, de la communauté.
Transfo est un livre qui palpite, qui respire avec le monde, un livre de gratitude. Et dans le tumulte de nos années, cette voix douce et ferme rappelle qu’il existe encore des poètes capables de nous parler du changement – sans nostalgie ni cynisme, mais avec cette chaleur cadienne qui rend le monde plus habitable.

« Travailler c’est trop dur »

« L’arbre est dans ses feuilles »

Céline Dion, interprète  » L’arbre est dans ses feuilles « , en duo avec Zachary Richard, sur les Plaines D’abraham, le 27 juillet 2008, pour le 400ème anniversaire du Québec

Pas de commentaire

Postez un commentaire

#SUIVEZ-NOUS SUR INSTAGRAM
Review Your Cart
0
Add Coupon Code
Subtotal