15 Oct Résidences de poètes
Il existe des lieux qui invitent les poètes « en résidence » en leur offrant un environnement propice à la création de leur prochaine œuvre. Où, quand, comment, pour qui ? Suivez le guide.
Chaque auteur a ses habitudes d’écriture. Pour certains c’est la nuit, pour d’autres la solitude ou au contraire l’effervescence de la vie quotidienne autour d’eux. Il y a ceux qui aiment écrire au calme un chat sur leurs genoux, devant une feuille blanche ou leur ordinateur, d’autres dans le métro ou à la terrasse d’un café. Mais le rêve de tous les poètes ne serait-il un espace qui les accueille pour pouvoir écrire librement, en toute tranquillité ? Un lieu et un temps où s’immerger pour donner libre cours à son imagination, sans se soucier des détails matériels. Les Résidences poétiques ont justement été créées pour cela. La saison 2026–2027 s’annonce déjà riche, avec plusieurs appels à candidatures attendus dès le premier semestre 2026.
Un cadre dédié à l’écriture
Écrire en retrait du quotidien, plonger dans un territoire et partager ses mots avec des publics nouveaux : telle est la promesse des résidences poétiques. Gite, château, ancienne ferme, cabane ou chalet, depuis une dizaine d’années, ces dispositifs se multiplient dans les maisons de la poésie, les collectivités ou encore les centres culturels. L’objectif principal est de soutenir la création littéraire, favorisant l’émergence de nouvelles œuvres. Toutes les résidences poétiques ne se ressemblent pas et peuvent varier en durée, allant de quelques semaines à plusieurs mois.. Certaines sont courtes, à l’image de la Factorie – Maison de Poésie qui propose des sessions de douze jours réparties entre octobre et mai, d’autres sont plus longues, comme la résidence de Cœur de Flandre Agglomération, pensée sur huit mois (novembre à juin) Entre les deux, des formats intermédiaires existent : « À l’est », dans le Cher, propose ainsi des séjours d’un mois, au printemps. Ces résidences sont à la fois un lieu et un dispositif, offrant aux poètes des ressources matérielles adaptées, une bourse d’environ 1000€ la plupart du temps et parfois le gite et le couvert !
En retour, un travail de médiation
En contre-partie, le poéte accueilli en résidence a également pour mission, en plus de son projet d’écriture, de consacrer un peu de son temps pour participer à des activités culturelles et éducatives. L’objectif est de favoriser les échanges avec les personnes du territoire qui l’accueille, artistes, publics et communautés locales. Ce temps de médiation peut prendre la forme d’ateliers d’écriture, d’interventions pédagogiques, de lectures publiques, de rencontres en bibliotéque, ou parfois de co-création avec d’autres artistes. Ces actions publiques sont généralement construites à hauteur de 20%, voire 30%, du temps de résidence, ce qui laisse un temps personnel d’écriture important
La Factorie dans l’Eure
Quelles conditions pour postuler ?
La majorité des appels à résidence est réservée aux auteurs-ices ayant déjà été publié à compte d’éditeur, leurs livres ayant été diffusés. La maîtrise du français reste le critère principal, même si certaines structures ouvrent à l’international. Enfin, l’engagement est double : avancer sur un projet poétique et partager sa démarche. C’est pourquoi la note d’intention doit préciser à la fois la création envisagée et la manière d’entrer en résonance avec les habitants, scolaires, lecteurs ou amateurs de poésie.
Le calendrier 2026–2027
La plupart des structures lancent leurs appels entre février et septembre 2026 pour des résidences programmées à l’automne 2026, à l’hiver 2027 ou au printemps 2027.Quelques exemples : La Factorie mettra en ligne son dossier dès le 1er février 2026 ; « À l’est » a déjà annoncé ses deux résidences pour mai–juillet 2026 ; les maisons de la poésie de Rennes et de Tinqueux programment chaque année deux sessions de deux mois. Quant à la Villa Marguerite Yourcenar, elle reçoit en continu des poètes, selon un calendrier d’appels annuel.
Une dynamique nationale
Derrière ces dispositifs, on retrouve un réseau d’acteurs publics (CNL, DRAC, Régions, collectivités) qui considèrent la poésie comme un outil de lien social autant qu’un champ de création. Pour les auteurs, c’est un moment d’intensité rare : un lieu offert, une rémunération garantie, et l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de transmission.
Qu’il s’agisse d’une immersion courte dans une maison de poésie, d’un printemps à la campagne ou de plusieurs mois au cœur d’un territoire, les résidences poétiques jouent un rôle essentiel dans le soutien à la création littéraire, en offrant aux poètes des environnements propices à l’écriture et à l’échange. Elles contribuent à la vitalité de la poésie contemporaine et renforcent les liens entre les artistes et les communautés locales. La saison 2026–2027 confirme cette vitalité : les poètes ont désormais plusieurs portes à pousser. Encore faut-il préparer un dossier solide et choisir le cadre qui correspond à leur respiration d’écriture.
Comment préparer son dossier ?
– Lettre d’intention : claire, une page suffit, mais elle doit expliquer pourquoi la résidence est nécessaire à votre projet.
– Présentation du projet : deux pages, avec extraits du texte en cours.
– Bio-bibliographie : publications à compte d’éditeur, résidences passées, actions menées.
– Exemplaires ou PDF : fournir un livre ou des extraits de vos publications.
– Médiation : proposer au moins une piste d’atelier ou de rencontre adaptée au territoire
Où se renseigner ?
Liste (non exhaustive) de quelques résidences d’auteurs par département
02 - Aisne
Cité internationale de la langue française – Château de Villers-Cotterêts
Dossiers étudiés au cas par cas par Sophie Gillet (Chargée de résidences).
Contact : residences.citelanguefr@monuments-nationaux.fr
18 - Cher
« À l’Est » – Résidence d’auteurs – Henrichemont
Durée : 1 mois (au printemps, du 4 mai au 3 juillet 2026)
27 - Eure
La Factorie – Maison de Poésie de Normandie- Val-de-Reuil
Durée : 12 jours, entre octobre et mai
35 - Ille-et-Vilaine
Maison de la Poésie de Rennes
Durée : 2 mois consécutifs, en octobre–décembre ou avril–juin
51 - Marne
Centre de Créations pour l’Enfance – Maison de la Poésie- Tinqueux
(actions poésie jeunesse et tout public)
67 - Bas-Rhin
Résidence collective d’aide à l’écriture- Strasbourg
Durée : 10 jours (Appel « Et si la poésie avait droit de cité »)
76 - Seine-Maritime
Baraques Walden – Abbaye de Jumièges
Durée : non précisée (résidences d’écriture)
77 - Seine-et-Marne
Médiathèque de Seine-et-Marne
Durée : 10 mois (résidence de création poésie et musée)
93 - Seine-Saint-Denis
Parti Poétique – Zone Sensible- Saint Denis
Durée : non précisée (résidences & collaborations)
Moteurs de recherche
Maison des écrivains et de la littérature (MEL)
Moteur de recherche de résidences par département
À l'étranger
Témoignages
Deux auteurs partagent avec nous leur expérience de résidence poétique, entre inspiration, création et immersion dans des lieux propices à l’écriture.
Franck Achard
Poète, auteur et comédien de théâtre
Chacune de mes expériences de résidences d’écriture ont représenté pour moi un temps unique de création et d’échanges dans des lieux improbables. Cadres divers pour inspirations variées. Au Havre d’abord où j’ai été invité par le festival Terres de Paroles à résider durant un mois. Un autre projet m’a permis de vivre dans la Baraque Walden (août 2024) créée par Stéphane Nappez dans le parc de l’abbaye de Jumièges, en Seine Maritime. Avant cela, il m’est arrivé de fréquenter les salons du château de Bénouville, près de Caen, pour le festival Les Poétiques du Canal.
Association Baraques Walden – Cabane Marie Nimier
« Résidence » d’écriture. Il ne s’agit plus d’habiter (qui dérive, en latin, du verbe avoir, habere), mais de résider : le mot en lui-même appelle au changement. La poésie, lieu privilégié du langage autre, a sans doute des affinités avec le fait de résider hors de chez soi, dans un ailleurs. Sortir du « lieu commun » pour sortir de la langue commune.
Il s’agit aussi d’un temps différent, sans doute, « sanctuarisé » — comme on dit aujourd’hui — pour l’écriture. Temps protégé, donc, loin du temps toujours trop court de la journée, de la semaine habituelle, trop pleine de trop de contraintes. Mais ce temps peut se révéler trop vide, trop plein d’angoisses, de doutes. C’est un temps à apprivoiser.
Et puis il y a les gens. Les autres. Ceux que l’on rencontre dans ce nouveau décor. Ils sont par essence différents de nos relations quotidiennes. Quant à nous, ne sommes-nous pas différents de nous-mêmes lorsque nous sommes ailleurs ? N’est-ce pas la condition pour écrire autrement que de pouvoir sortir de soi, se fuir puis trouver une vérité qui, à l’origine, demeurait cachée ?
J’ai eu la chance d’être accueilli dans un château au bord d’un canal, dans une cabane des bois de l’abbaye de Jumièges, dans une ferme cidricole ou un appartement en ville, tous lieux qui parlent des langues que je ne connais pas, qu’il m’importe alors de découvrir. C’est peut-être cela, au fond, qui compte : être à l’écoute de ce qu’un lieu peut nous dire. Coller l’oreille à la pierre, à l’herbe, à la moquette usée, aux eaux troubles du lointain. Je rêve maintenant de résider dans un phare, une grotte, un bateau, une yourte, un chalet. Toujours ailleurs.
Banafsheh Farisabadi
Poétesse et traductrice iranienne
Depuis mon arrivée en France, j’ai eu la chance d’être accueillie dans plusieurs résidences littéraires. Ces lieux m’ont offert silence, concentration et respect. J’y ai mené des projets d’écriture et de traduction dans un climat propice à la réflexion.
Ma résidence à la Maison Julien Gracq en décembre 2023, m’a donné l’élan de lire et de me plonger davantage dans l’univers de cet auteur, peu connu en Iran et relativement discret même en France. Quelques mois plus tard, mon éditeur en Iran m’a proposé de traduire l’un de ses romans, Un beau ténébreux. J’ai immédiatement accepté.
La prose complexe et poétique de Gracq, la profondeur de ses réflexions personnelles mises en scène dans une dimension philosophique, la présence constante de la poésie — à la fois visible et en filigrane — ainsi que l’exploration de l’ennui et de la solitude, abordés sous des angles multiples et tissés en parallèle au récit, m’ont profondément séduite.
Ce travail est à la fois passionnant et exigeant, car il requiert une connaissance intime du langage poétique et imaginaire. Le projet s’est poursuivi lors de ma résidence au Chalet Mauriac, en mars-avril 2025, et a donné lieu à une rencontre aux Escales du Livre de Bordeaux, modérée par Jérémy Fabre, directeur de la Maison Julien Gracq, suivie d’une lecture bilingue et musicale persan-français en collaboration avec Romuald Giulivo et Cyril Touzé. »
Le Chalet Mauriac
Toutes ces rencontres et lectures ont été pour moi une véritable source d’enrichissement. Rencontrer des personnes passionnées par la poésie et la littérature est un plaisir immense pour un auteur et traducteur. Il n’y a rien de plus exaltant que de pouvoir partager notre voix à travers la poésie, ce lien spirituel qui unit les êtres humains au-delà des mots.
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