Avec Sur Historiae, Antonella Anedda signe un recueil d’une intensité rare. Poète majeure de la scène italienne, elle explore la matière du langage comme on observe celle du monde : rigoureusement, sans emphase, mais avec une acuité implacable.
L’île, motif central, n’est pas seulement géographique. Elle est linguistique et intime, territoire à la fois secret et transmissible. Dès le premier poème, une langue inventée ouvre le jeu : traduisible mais insaisissable, comme l’expérience humaine elle-même. Entre mémoire collective et vécu personnel, Anedda travaille l’équilibre précaire entre l’individu et l’universel.
La référence aux philosophes antiques rappelle que la poussière et la lumière sont la matière du poème. Mais l’actualité affleure : les camps de réfugiés de Lesbos répondent aux ruines de Troie, transformant l’épopée en chronique de la honte contemporaine. À cette dimension politique s’ajoute l’épreuve intime du deuil maternel, où le souffle de l’agonisante rythme le vers.
Ici, pas de lyrisme facile : le poème est une maison fragile, une architecture exacte où chaque mot compte. La traduction de Marie Fabre et Sylvie Fabre G. rend justice à cette sobriété tendue, servie par l’élégance discrète des éditions Æncrages & Co.
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