Par les Baleines

Photo : © Francesca Mantovani - Editions Gallimard
Par les Baleines
Soline de Laveleye – Éditions Gallimard

Poète et anthropologue bruxelloise née en 1980, Soline de Laveleye poursuit chez Gallimard une œuvre singulière où s’entrelacent corps, mémoire et paysage. Avec Par les Baleines, son cinquième recueil, elle offre une traversée poétique qui oscille entre prose et vers, flux et reflux, comme une respiration océanique.

Publié en avril 2025 chez Gallimard, le recueil se compose de quatre parties — de l’enfance à la mer, du reflux à la remontée, de la quête des rives jusqu’à l’appel du large — entrecoupées d’une Ronde centrale. Cette architecture donne une respiration cyclique au livre, entre mémoire intime et élan vital.

Le corps et la mer

De l’enfance à la maternité, du corps intime aux horizons marins, le texte explore les métamorphoses d’une identité féminine, traversée de contraintes sociales mais toujours aspirée vers l’élargissement. La mer, métaphore centrale, incarne souffle vital et espace de liberté, tandis que minéraux, végétaux et animaux composent une matière sensorielle dense.

Le souffle des baleines

Soline de Laveleye alterne prose et vers, créant une rythmique faite de flux, de ruptures et de reprises. La langue, riche en images et en métaphores, convoque le souffle des baleines comme charpente poétique. Ce style, exigeant mais lumineux, privilégie l’expérience sensible et invite le lecteur à habiter les sensations plutôt qu’à en chercher l’explication.

Une traversée poétique

À travers ce recueil, l’auteure cherche à “rapiécer une peau qu’on puisse habiter”, selon ses propres mots. Plus qu’une confession, elle propose une poésie qui explore les marges : entre enfance et âge adulte, entre corps et territoire, entre normes sociales et désir d’émancipation. L’écriture devient alors un geste de rassemblement, un espace où l’intime rejoint l’universel.

Par les baleines s’impose comme une œuvre singulière et dense, qui place Soline de Laveleye parmi les voix importantes de la poésie contemporaine. Par son souffle marin et son écriture incarnée, le recueil ouvre au lecteur un voyage sensoriel et intérieur, entre mémoire, corps et horizon.

En te retournant tu comprends
que tu ne les saisiras pas

Les bandelettes dont tu t’es dépouillée
–              comme la nuit brode au jour un liseré lumineux
tes visages quittés filigranent tes passes –
mues translucides, duvet pris aux épines
–              tes âges – traînées d’ambre, neige
que boivent les paysages :
un courage couve dans les herbes
ou un ruisseau, elles lui ouvrent la piste
L’écolière fagotée d’impuissance et de feu
tu ignores où elle s’est arrêtée
la souris si sérieuse
surtout quand elle montrait
ses incisives de lait
ses bouquets d’étincelles fourrées sous les babines

 Et les autres, où sont-elles ?

Le désordre discret de la pensionnaire
épluchures d’une ardeur effeuillée
dans l’attente qui voile tout :
ces torsades, ces écorces poivrées

ont-elles fini là, balayées dans l’enceinte barbelée?

Où sont-elles
tes doublures
tes parades
ces dentelles qui brasillent, ces manteaux
dont les signaux s’obstinent?

Et la bête échappée que le large aspirait
l’ombrageuse aux mâchonnements furtifs
l’animale aux baisers allumée
aux brasiers des baisers brûlée vive :
où est-elle donc passée ?

Où sont-elles, ces peaux ?

Elles ont nourri des tatous
sur l’envers du cœur, au croisement de l’aorte
et de ses affluents, un scintillement qui pince
à la tombée du jour
tes pelures oubliées
qui parsèment ton passage
de petites vanités

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