
14 Oct Courrier Indésirable, l’émotion se déplie
Un matin de mai 2025, Jérémy Semet pliait sa première micro-revue. Il n’était pas attendu, précisément : d’où le nom Courrier Indésirable, clin d’œil ironique aux spams qui encombrent nos boîtes électroniques. Son ambition était claire — ou presque : offrir une poésie qui surprend, par sa forme, par sa brièveté, par son geste même.
Le concept est minimaliste : une feuille A4 pliée en accordéon, ficelée comme un petit cadeau, qui se déploie en carré de 7 cm de côté. Chaque numéro contient neuf poèmes — ni plus, ni moins — de neuf auteurs. Les textes doivent tenir dans huit lignes ; la contrainte du contenant façonne le contenu.
Le lecteur découvre un objet, un paquet à déplier, presque un rituel. Courrier Indésirable ne cherche pas à saturer les canaux numériques : il fonctionne par résonance, par bouche-à-oreille, par relais sur les réseaux sociaux (notamment Instagram via @courrierindesirable99). Aucun site officiel ne vient structurer le projet — c’est toute la poésie de la surprise.
Cet automne, le sixième numéro a vu le jour, avec à son bord des noms comme Sophie Brokmann, Déni_de_malice, Jacques Lucchesi, Camille Zabalza-Pillon… et d’autres encore. Semet confie qu’il reçoit désormais des textes spontanément — il recueille déjà les contributions pour le numéro de septembre 2026.
À l’ombre d’un modèle : Muscle
Le geste de Courrier Indésirable évoque à première vue celui de la revue Muscle, fondée en 2014 par Laura Vazquez et Arno Calleja (puis codirigée avec Roxana Hashemi). Muscle aussi joue du pli : une feuille de papier pliée quatre fois, autour de laquelle la couleur change à chaque numéro, et où deux textes de deux auteurs distincts se font écho. Mais, si Courrier Indésirable et Muscle partagent l’intuition du petit format plié, ils déploient des stratégies poétiques distinctes : l’une multiplie les éclats brefs, l’autre installe des duos, des rencontres. L’une mise sur la surprise mensuelle, l’autre sur l’alternance bimestrielle et la spatialité de la page.
Chronique d’un geste
La démarche de Semet se lit comme une réaction à la surproduction littéraire numérique : saturer moins pour surprendre plus. Il ne cherche pas le spectaculaire, mais l’instant fragile — la fulgurance — dans un format modeste. Le « 99+ » figurant sur l’enveloppe évoque cette saturation — mais aussi le désir que ce “courrier” soit accueilli, apprécié, et non ignoré.
Courrier Indésirable, hybride entre objet ludique et geste poétique, trace son chemin dans l’ombre des micro-revues existantes. Son pari : que la surprise, la contrainte et la multiplicité des voix suffisent à créer une communauté, un relais, une curiosité active. Dans ce paysage des revues d’auteur, Courrier Indésirable propose une trajectoire foisonnante, plus immédiate, plus modeste dans ses moyens mais audacieuse dans ses perspectives.

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