Paul Chanel Malenfant, Prix du Gouverneur général 2025

Photo : © Clément Brillant
Au passage du fleuve
Paul Chanel Malenfant – Éditions du Noroît

Je marche dans ma ville le long du fleuve au long cours parmi les profils étrangers, les syntaxes urbaines.

Ce matin à la fenêtre, des chemises vides tremblaient dans le vent.

J’ai laissé sous l’abat-jour les oranges, le verre d’eau, et le signet dans le livre de chevet.

Des oiseaux de nuit s’étaient pendus sur la ligned’horizon.

Le Conseil des arts du Canada a dévoilé ses lauréats 2025. En poésie francophone, la récompense revient à Paul Chanel Malenfant pour Au passage du fleuve, un recueil qui poursuit la cartographie intime et fluviale qu’il construit depuis près d’un demi-siècle. Chantal Ringuet, Patrick Roy et Ouanessa Younsi composaient le jury de la catégorie.

Un titre, un axe : le Saint-Laurent

Le livre s’inscrit dans une géographie littéraire que Malenfant façonne depuis ses débuts : celle du Bas-du-Fleuve, matrice de mémoire et de langage. Avec ce recueil, il prolonge le dialogue entre l’eau, la disparition, l’enfance et les traces du temps. L’écriture privilégie un rythme calme, attentif, où chaque image semble déposée comme un galet dans le courant.

Paul Chanel Malenfant occupe une place centrale dans la poésie québécoise contemporaine. Depuis les années 1970, il a bâti une œuvre dense, traversée par la mémoire, le deuil, la mer, les voix familiales et l’exploration du sujet lyrique. Cette continuité fait de lui l’un des architectes d’une sensibilité poétique québécoise tournée vers l’intime, mais ouverte sur une dimension universelle de la vulnérabilité humaine.

Son écriture, sobre et tenace, s’inscrit dans la modernité tardive du vers québécois. Elle dialogue avec plusieurs filiations : l’intimisme des années 1980, les écritures de filiation, la méditation éthique et les poétiques du care. Sa manière de conjuguer introspection, rigueur formelle et attention au monde l’a imposé, au fil des décennies, comme une référence pour plusieurs générations d’auteurs.
Dans la francophonie élargie, son travail est reconnu pour sa façon d’allier précision sensorielle, profondeur philosophique et une lecture exigeante du réel. La traversée du temps, thème qui irrigue toute son œuvre, trouve ici une amplitude renouvelée.

Déjà couronné en 2001 pour Des ombres portées, Malenfant cumule les distinctions : prix Alain-Grandbois, Grand Prix du Festival international de poésie, distinctions pour l’ensemble de son œuvre. Au passage du fleuve s’inscrit dans cette trajectoire en réaffirmant une force discrète, sans emphase, où la poésie sert d’instrument pour scruter la fragilité humaine.

Pourquoi ce livre compte

Au passage du fleuve explore la durée, l’attachement, les lieux fondateurs. Le recueil condense une manière de voir qui traverse toute l’œuvre de Malenfant : une écriture qui refuse le grand spectacle, qui préfère la précision au vacarme, et qui rappelle qu’un poème peut encore tenir tête à l’oubli. Le prix consacre ainsi un travail majeur, fidèle à son territoire et à une vision du monde où chaque fragment devient une trace à sauver.

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