Les Pédoncules élémentaires

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Les Pédoncules élémentaires
Arthur Billerey – Préface de Jean-Pierre Luminet – Éditions La rumeur libre

Comment faire dialoguer un trou noir avec une histoire d’amour, une théorie quantique avec un souvenir intime, une poussière d’étoile avec la fragilité des liens humains ? C’est le pari qu’ose Arthur Billerey dans son troisième recueil, Les Pédoncules élémentaires, paru avec une préface du cosmologiste Jean-Pierre Luminet.

Né en 1991 en Franche-Comté, aujourd’hui installé à Vevey, Billerey est autant éditeur que poète, critique autant que passeur de littérature. Cofondateur des éditions La Veilleuse, animateur de la chaîne YouTube Trousp dédiée à la scène suisse, il a déjà publié deux recueils remarqués, dont La ruée vers l’ombre (Empreintes), qui lui a valu en 2023 le Prix Rimbaud de la Maison de Poésie de Paris. Avec Les Pédoncules élémentaires, il atteint une maturité singulière : une poésie qui assume sa dimension érudite tout en restant ancrée dans la condition humaine.

Ici, le poète tente de mêler l’univers — au sens large comme au sens atomique — au lien : social, amoureux, psychologique, écologique. Chaque texte naît de cette rencontre improbable, où les lois de la physique et les forces cosmiques se combinent aux fragilités humaines. Résultat : un tout organique qui reflète notre relation à la nature et au cosmos, une tentative de capter ce que Billerey appelle un « sentiment cosmique ».

Ni kitch astrophysique, ni abstraction froide

Le titre, qui semble cligner de l’œil à Houellebecq, pourrait tromper. Mais l’entreprise de Billerey n’a rien du pastiche. Elle procède moins d’une fascination pour la cosmographie que d’une quête des liens invisibles qui nous unissent – quête éminemment contemporaine, à l’heure où ces liens se fragilisent.

Le recueil s’appuie sur des distiques rigoureux, souples, expressifs, qui lui permettent d’osciller entre infiniment grand et infiniment petit, entre Moléson et méson. La langue est précise, parfois risquée, mais elle refuse l’ornement facile. Billerey cherche, expérimente, au risque de la dissonance, et c’est dans cette tension que son écriture prend toute sa force.

L’infiniment grand, l’infiniment intime

Ce qui frappe dans Les Pédoncules élémentaires, c’est la manière dont l’astrophysique se transforme en matière sensible. L’amour y devient une énergie fondamentale, oscillant entre attraction et éloignement. Les poèmes embrassent le silence et l’explosion, la durée et l’éphémère, l’atome et la galaxie. Le cosmos cesse d’être une abstraction : il devient miroir, compagnon, parfois confident.

Le pédoncule, ce fil fragile qui relie la fleur au monde, devient métaphore centrale : c’est la tige qui relie nos existences aux forces invisibles, une image de la relation comme principe vital.

Avec ce recueil, Billerey confirme sa place dans la constellation des poètes francophones contemporains. Sa poésie, érudite mais jamais sèche, s’ouvre au monde avec une sensibilité qui refuse la complaisance. Elle rappelle que la poésie n’est pas une affaire d’initiés mais un geste humain : relier, chercher, consentir à l’éblouissement.

En somme, Les Pédoncules élémentaires n’est pas seulement un dialogue entre science et littérature. C’est une tentative de réenchanter notre rapport au réel, de rappeler que, de l’infiniment grand à l’infiniment intime, tout est affaire de liens.

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