Dans ma cité d’Auber
Moi, j’arpente les rues
C’est parfois la galère
Et souvent l’inconnu
La plupart des voisins
Résident depuis longtemps
Ils croisent mon chemin
Me saluent pas souvent
Ici on a la crainte
De l’autre de son prochain
Alors on ruse on feinte
On fait semblant de rien
Moi j’y suis née ici
Dans ces tours de béton
J’y ai tous mes amis
Rouges, blancs, jaunes et marrons
Nous on zappe les couleurs
On vit en noir et blanc
Certains dans la douleur
D’autres dans les tourments
À croire qu’à l’intérieur
Tout s’est désagrégé
Pas de petite lueur
Et rien à partager
Mais un jour l’étincelle
Surgit bien malgré nous
Quelqu’un vous interpelle
Et discute avec vous
Alors tout doucement
On prend goût à la vie
Lentement mais sûrement
Notre visage sourit
Et là, tout s’éclaircit
On regarde les autres
On parle aux plus petits
Aux grands on tient la porte
On s’intéresse enfin
Plus aux autres qu’à soi-même
On se sent plus serein
Moins rongé par la haine
Et toute cette grisaille
En béton où l’on vit
S’atténue, s’éventaille
S’efface et s’appauvrit
Relevez haut la tête
Et laissez-vous guider
Ayez le cœur en fête
Au cœur de vos quartiers.
De l’eau jusqu’aux genoux
Elle avance lentement
Pique par petits bouts
Ses bottes de riz blanc
Même si ses pieds s’enlisent
Elle avance sans cesse
Ses gestes se précisent
Sans l’ombre d’une paresse
Et quand le ciel rougit
Au coucher du soleil
Son geste s’affaiblit
Arrive le bon sommeil
C’est alors qu’elle s’endort
La brave femme malgache
Apaise un peu son corps
Demain pas de relâche
Il lui faudra trimer
Planter encore, encore
Seule, l’échine pliée
Fera souffrir son corps
Pour nourrir ses enfants
Il lui faut travailler
Sans perdre un seul instant
Car son riz doit pousser
Parfois, le soir venu
Après de longs efforts
Elle fixe vers l’inconnu
Une aide, un réconfort
Elle les trouve souvent
Dans l’infinie verdure
Qui s’étale lentement
Ses rizières, son futur
C’est alors qu’elle sourit
Et elle est vraiment belle
Ça prouve que la vie
Parfois n’est pas cruelle
Elle a bien mérité
Ce sourire sauveur
Elle peut s’approprier
Ce moment de bonheur
Et elle rit…
© tous droits réservés - Alain Julien