Fenêtre ouverte sur la poésie

Jacques Marcel Favre

Les déchirures du temps

Passé, présent ou à découvrir,
L’instant n’est que fraction.
Perdu entre celui à venir,
Et l’instant que l’on dit révolu,
Saisir aujourd’hui, ce temps qui n’est déjà plus.

 

Fragile, imminent, précis,
Parfois même où l’on s’y réfugie,
Heureux ou moins chanceux, mais à vivre,
L’instant d’un instant, s’en affranchir,
D’instant en instant, le redécouvrir.

 

Eclat d’une illusion suspendue,
Il est celui que l’on voudrait prisonnier.
Par la fleur éclose de nos envies,
Ce rêve fou de l’instant retenu,
Parcourir l’éternité.

Élise… L’innocence assassinée

Au Professeur Dominique Peyramond

Je m’appelais Élise, je n’étais qu’une enfant.
Je suis morte dit-on, un 4 novembre.
Morte ? Où plutôt guérie, heureuse même d’être partie.
Quand la vie n’est que mépris, la mort devient notre meilleure amie,
Quand la vie n’est que souffrance, attendre la mort dans cette quête de la délivrance.

 

Je m’appelais Élise, je n’avais que douze ans.
Trop de fois, oui ! Trop de fois j’ai entendu pleurer Maman.
Dans ses larmes versées, j’ai vu un jour son chagrin s’y refléter,
Dans ses larmes versées, ce sentiment d’impuissance et de grande culpabilité,
Au regard de ma vie … qui n’en deviendrait jamais une.

 

Je m’appelais Élise, je n’étais qu’une enfant.
Ebènes, comme le noir de ma peau, étaient mes jours.
Ebène aussi, mais de bois, était le cœur corrompu de tous ces gens.
Découvrir trop tôt le pourquoi de cette injure,
Le découvrir bien trop tôt et perdre ainsi les raisons de son enfance.

 

Je m’appelais Élise, je n’avais que douze ans.
Par ce mal emprisonné, la douleur sourde de n’être qu’une offrande et un foyer,
Par ce mal, emprisonnée, la sombre douleur de l’innocence assassinée.
Détruisant toutes mes forces, soumise aux à-coups de ses fangeuses perfidies,
Mon corps lapidé en était devenu la proie misérable et résignée.

 

Je m’appelais Élise, je n’étais qu’une enfant.
A la fin de ma vie, la chaleur apaisante d’une main posée soudain ressentie.
La chaleur toute dernière d’une main posée … celle de Maman.
Les yeux levés, vides et rongés par l’appel du départ,
Son visage en pleurs, les traits pétrifiés mais sincères.

 

Comme pour me demander pardon,
Comme pour me dire au revoir,
Comme pour me dire … à bientôt.

« Ces enfants doivent se sentir aimés et intégrés par le monde dans lequel ils vivent, sans la stigmatisation que le sida continue d’attirer. »
( Lady Diana Spencer, Princesse de Galles, 08.09.1993 )

© tous droits réservés - Jacques Marcel Favre

à propos de l'auteur

Savoyard au sang limougeot, je suis né le 17 février 1964 dans une petite commune française frontalière avec l’Italie, répondant au nom de Modane. Expatrié en Suisse depuis l’année 2002, j’y exerce la profession de jardinier après une reconversion professionnelle. L’art d’une manière générale, m’a toujours attiré. Avec la photographie, j’aime révéler la beauté secrète des choses que l’on dit « simples », aidé sans doute d’un regard empreint des séquelles de ma surdité. Avec l’écriture, j’aime amener le lecteur à l’évasion, aux réflexions qui interrogent mais aussi à l’émotion, grave et profonde. Pour moi la poésie aujourd’hui se doit d’être évolutive. D’être plus proche de son lecteur. C’est un peu comme une bible devant s’adapter au monde dans lequel elle prend page. Douloureux sujet que le Sida infantile, lâche et méconnu. Mettre des vers sur la mort d’un enfant est une chose difficile, tant ils se doivent d’être justes. Pour moi, l’écriture comme la photographie sont l’expression même de nos valeurs et de nos sens, ce sont en quelque sorte le reflet de mon âme. Aujourd’hui je suis fier de vous présenter mon Hirondelle sans bagage. Recueil de poésies, illustré avec mes propres photographies devenues complices et amantes, je signe avec lui ma 1 ère sortie littéraire sous l’égide de la maison d’édition « Jets d’Encre ». Aux couleurs actuelles, les thèmes évoqués en deviendront alors les chapitres. « Prisonnière d’un SIDA déclaré, l’hirondelle de Kinshasa ne viendra pas. Délivrée d’un hiver bien trop long, l’hirondelle tant attendue ne s’envolera plus. » Élise (2002-2014). Au regard des souffrances de « mon hirondelle ». Devant ce combat qui n’a jamais baissé les armes, l’intégralité de mes bénéfices d’auteur sera reversé à la « Lola Children’s Home » à Mekele en Ethiopie, via l’association des « Amis des enfants du Monde.

Vous souhaitez partager vos poèmes ?
Review Your Cart
0
Add Coupon Code
Subtotal