
15 Juil Les petits manifestes Poesis : la poésie comme souffle de l’été
Et si cet été, vous faisiez de la poésie un art de vivre ?
À l’heure où beaucoup cherchent des livres courts et denses à glisser dans leur sac de plage ou de randonnée, la collection des petits manifestes publiée par les éditions Poesis se présente comme une évidence. Ces opuscules de seize pages, offrent un véritable concentré d’inspiration pour qui souhaite « habiter poétiquement le monde », selon la formule du poète et philosophe Friedrich Hölderlin.
Des voix singulières, un même appel à la poésie du monde
Créées en 2015 par Frédéric Brun, les éditions Poesis poursuivent un objectif clair : replacer la poésie au cœur de nos existences. « Notre société contemporaine est dominée par le prosaïque, l’efficacité, le rendement. Il faut trouver un équilibre avec la dimension poétique », explique l’éditeur. Pour lui, la poésie n’est pas qu’affaire de vers ou de formes artistiques : « La poésie du monde est partout, dans la nature, un sourire, un tableau. Tout homme peut habiter poétiquement le monde, sans forcément devenir poète ou artiste ».
Une collection à glisser dans la poche
Chaque volume propose une plongée dense et lumineuse dans l’œuvre et la pensée d’auteurs majeurs. Ils nous invitent à regarder le monde autrement, à ralentir et à retrouver la part poétique de notre quotidien.
La collection s’est ouverte avec Le Plâtrier siffleur de Christian Bobin, premier titre publié sous la forme des petits manifestes. Dans ce texte, Bobin révèle la beauté cachée des gestes les plus simples – le sifflement d’un ouvrier, la rêverie silencieuse d’une femme repassant du linge – et nous rappelle que « la poésie, c’est la perte merveilleuse qui nous rend humains ».
Kenneth White a ensuite ouvert la collection à l’horizon planétaire avec Le Mouvement géopoétique, proposant une vision audacieuse qui relie la poésie aux grands courants de la Terre. Ce poète voyageur, penseur de l’espace, nous invite à « habiter la Terre en poète » et à nous sentir appartenir à un espace-temps plus vaste.
Puis vint Edgar Morin, figure majeure de la pensée contemporaine, avec Des oasis de poésie. Il y évoque la poésie comme un refuge et une forme de résistance dans un monde « qui a nié la qualité poétique de la vie ». Pour Morin, habiter poétiquement le monde revient à habiter humainement le monde.
Colette Nys-Mazure, poète et essayiste belge, a apporté à la collection une note de douceur et d’émerveillement avec La Grâce et la Rencontre, nous rappelant que cette grâce peut surgir dans la lumière d’une rue, au détour d’un visage ou dans une musique s’échappant d’une fenêtre ouverte.
Plus récemment, Marc Alexandre Oho Bambe, poète, slameur et lauréat du prix Paul Verlaine de l’Académie française, a signé Prière à l’aube, un texte né « d’un matin bleu de douleur du monde ». Il y tisse une résistance poétique et humaniste, écrivant que « l’on a besoin de mots qui nous donnent la main ».
Deux nouveaux titres pour un été lumineux
Cet été, la collection s’enrichit de deux nouveaux titres, parus en ce début juillet, qui viennent illuminer et approfondir cette série de manifestes. Dans La Mer, le Ciel, le Soleil, Paul Valéry révèle son lien intime et sensuel aux éléments méditerranéens. Il y célèbre la lumière, l’onde, l’immensité du ciel, et confie que rien ne l’a « plus formé que ces heures vouées, en apparence distraites, au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil ».
Avec L’invisible dans l’arbre, Alexandre Hollan nous ouvre son atelier intérieur. Le peintre franco-hongrois y partage ses réflexions sur les arbres qui entourent son mazet languedocien et dévoile sa quête inlassable de « saisir l’insaisissable », ce lien silencieux et poétique à la nature qui habite toute son œuvre.
Des livres comme un art de vivre
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Frédéric Brun insiste : « La poésie du monde précède la poésie des mots. Elle nous aide à nous désencombrer, à retrouver une sobriété heureuse et un rapport plus vrai à l’existence. » Ces petits manifestes sont, pour lui, un manifeste éditorial autant qu’un manifeste de vie. Ils invitent à ralentir, à observer, à réapprendre la présence.
Plus qu’une lecture, ce sont des compagnons de route, des respirations nécessaires à glisser dans un sac, à lire sur un banc, au lever du jour, au bord de l’eau ou sous un arbre.
Cet été, offrez-vous la possibilité d’« habiter poétiquement le monde ». Ces petits livres, vendus cinq euros, portent en eux un art de vivre et la promesse d’un regard transformé. Peut-être est-ce là la plus belle destination estivale : celle qui nous ramène à l’essentiel.
Les petits manifestes Poésis

Le plâtrier siffleur
Christian Bobin
« Les contemplatifs, quels qu’ils soient, peuvent être des poètes connus comme tels, mais ça peut être aussi un plâtrier en train de siffler comme un merle dans une pièce vide, ou une jeune femme qui pense à autre chose tout en repassant du linge. »
Ce texte est issu d’une conversation dans la forêt. Il a pour auteur les sapins austères et les fougères lumineuses. Il y est question, mieux que dans un salon, de nos manières de vivre, c’est-à-dire de perdre. Le nom merveilleux de cette perte est la poésie – ou si l’on veut : l’humain.

Le Mouvement Géopoétique
Kenneth White
Sensible au désarroi que connaît le monde contemporain, préoccupé depuis toujours par les enjeux écologiques, Kenneth White nous livre dans cet ouvrage, bref mais intense, les bases de sa pensée, indique les traces de son cheminement, et ouvre des perspectives situées en dehors des discours convenus. En explicitant le sens du célèbre vers de Hölderlin « l’homme habite la terre en poète », il nous invite, au moyen du concept de Géopoétique, à nous sentir « exister dans un espace-temps où circulent les grands courants poétiques de la planète ».

Des Oasis de Poésie
Edgar Morin
Edgar Morin raconte dans ce texte l’importance tenue par la poésie tout au long de son existence. De la jeunesse à la sagesse, elle l’a accompagné comme une façon de résister à la prose de chaque instant. Dans cette « civilisation qui a nié la qualité poétique de la vie », qui va « vers des choses terribles », le penseur appelle à la reconquête de ce territoire, de cette oasis perdue.

La Grâce et La Rencontre
Colette Nys-Mazure
« La grâce surgit aussi en marchant par la campagne ou les rues, en croisant un visage étranger ou connu, à l’écoute d’une musique échappée d’une fenêtre entrouverte. »
Colette Nys-Mazure nous offre dans cet ouvrage, une réflexion sur la grâce, nourrie dès l’enfance par ses premiers émerveillements devant la nature, mais aussi ressentie au fil du temps de manière quotidienne, lors d’une simple rencontre, celle d’une silhouette furtivement aperçue ou d’oeuvres d’art aux résonances inoubliables. Elle nous livre également une réflexion sur le rôle fondamental de la poésie vécue, enrichie par la lecture et l’écriture.

Prière à l’aube
Marc Alexandre Oho Bambe
« On a besoin de mots, qui savent prêter l’oreille, au silence.des mots dont le chant de beauté nous conteste notre puissance de saccage et de désarroi. Besoin de mots qui nous donnent la main. »
Ce texte a surgi en moi un matin bleu de douleur du monde. Saisi par l’urgence d’écrire le manifeste d’un parti poétique et humaniste, la nécessité presque vitale d’énoncer, afin de juxtaposer à la fatalité la résistance à la fatalité, j’ai tressé ce bouquet de mots, peut-être pour réunir nos solitudes et nous rappeler, qu’il y a et qu’il y aura toujours quelque chose. Quelque chose à sauver.

La mer, le ciel, le soleil
Paul Valéry
« Certainement, rien ne m’a plus formé, plus imprégné, mieux instruit — ou construit — que ces heures dérobées à l’étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil ».
Une sélection de textes de Paul Valéry, composée de proses et poèmes nous fait découvrir la relation
singulière et poétique du poète avec les éléments naturels, qu’il adore depuis son enfance dans sa ville natale de Sète. « La Mer, le Ciel, le Soleil ».

L’invisible dans l’arbre
Alexandre Hollan
« Être dans la nature, dehors. Sentir que les problèmes, soucis, urgences sont moins forts. Je suis bien, le monde est immense, je fais partie de cette vie qui m’entoure. Cet état, je le connais depuis toujours, il n’est pas loin, il est là ».
Ce texte, issu d’entretiens avec Alexandre Hollan nous fait découvrir sa relation singulière et poétique avec les arbres qui entourent son mazet à Gignac au coeur du Languedoc. Il nous éclaire sur ses instants de création animés par sa volonté de saisir l’insaisissable, de voir l’invisible.

à noter...
– 19 juillet à 11h
Présentation de Prière à l’aube (Poesis) en présence de Marc Alexandre Oho Bambe et Frédéric Brun.
– 22 juillet à 18h
Présentation des éditions Poesis et lancement de La Mer, le Ciel, le Soleil de Paul Valéry ainsi que de L’invisible dans l’arbre d’Alexandre Hollan.
La poésie comme révélation du réel
Les Éditions Poésis se consacrent à l’exploration de la relation poétique que l’être humain entretient avec le monde. Fidèle à l’étymologie du terme poesis la maison revendique un retour aux sources de la poésie, au-delà des mots et des genres littéraires établis. Elle s’inscrit dans une quête essentielle : celle d’un regard poétique sur le réel, à l’image de cette conviction formulée par Hölderlin selon laquelle « en poète, l’homme habite sur cette terre », ou de l’intuition de Novalis pour qui « la poésie est le réel absolu, plus c’est poétique, plus c’est vrai ».
Poésis s’attache ainsi à révéler l’unité profonde du monde à travers des œuvres qui tissent des correspondances entre les êtres, les choses et les idées. Elle publie des textes à la croisée de la philosophie, des sciences et de la théologie, proposant une approche transdisciplinaire nourrie par un dialogue fécond entre les savoirs et la sensibilité poétique.
Les deux premières publications de la maison ont naturellement été consacrées à Novalis, poète allemand et figure majeure du romantisme, dont l’œuvre visionnaire fait de la poésie un centre de gravité pour penser et ressentir le monde contemporain autrement. À travers son catalogue, les Éditions Poésis entendent ainsi prolonger cet héritage vivant, en faisant de chaque livre une invitation à habiter poétiquement le réel.
Mazingue
Publié à 14:33h, 19 juilletMerci Jean pour cet article sur les petits manifestes poesis. Bien sûr que la poésie n’est pas uniquement dans les mots. Elle est aussi dans d’autres territoires échappés du réel et c’est l’œil du défricheur qui la rend visible.. Bravo à Strophe qui offre un monde plus lumineux.