Décès de Jacques Réda, poète et flâneur de l’âme urbaine

Photo : Jacques Sassier © Editions Gallimard.

Le monde de la poésie et des lettres françaises est en deuil : Jacques Réda, écrivain, poète et ancien rédacteur en chef de « La Nouvelle Revue Française (NRF) », est décédé le 30 septembre à l’âge de 95 ans, laissant derrière lui une œuvre profondément marquée par l’observation de la ville et de ses paysages. Loin du tumulte médiatique, cet infatigable flâneur a su déployer, tout au long de sa carrière, une poésie à la fois délicate et méticuleuse, traversée par une mélancolie urbaine et un amour des petits détails du quotidien.

Né le 24 janvier 1929 à Lunéville, Jacques Réda grandit à la fois éloigné et fasciné par l’effervescence de Paris, qu’il découvre en 1952 lorsqu’il s’installe dans la capitale. Ce choc esthétique et sensoriel ne le quittera plus et deviendra la toile de fond de l’essentiel de son œuvre. Il y captera la beauté fugace de ses rues, les gestes simples des passants et l’architecture changeante de ses banlieues.

Un poète de la ville et du mouvement

Bien que sa poésie explore parfois d’autres espaces, comme les campagnes françaises ou les chemins ferroviaires, c’est la ville qui constitue son véritable sujet. Paris, ses recoins insoupçonnés, ses banlieues grises et ses lumières tamisées hantent les pages de ses nombreux recueils, dont L’Herbe des talus (1984), Les Ruines de Paris (1977) et Amen (1994). Dans ses poèmes, Jacques Réda excelle à retranscrire l’insaisissable : la lenteur d’une rue désertée, le mouvement d’un train, ou encore l’ombre d’un bâtiment dans la lumière changeante.

Écrivain de l’observation, il fait de la flânerie une pratique littéraire à part entière. Cette déambulation urbaine, souvent comparée à celle de Baudelaire ou de Léon-Paul Fargue, permet à Réda de capturer l’essence d’un paysage en perpétuelle mutation, et d’exprimer un rapport intime au temps et à l’espace.

Des influences multiples : le jazz, les poètes et la prose

Si la ville est son terrain d’observation privilégié, la musique est aussi au cœur de sa création. Passionné de jazz, Jacques Réda voit dans cette forme musicale un écho à sa propre pratique poétique : un jeu subtil d’improvisation et de rythme. Cette influence se retrouve dans Le Sens de la marche (1990), où la cadence des vers semble calquée sur des syncopes et des envolées jazzistiques.

Sur le plan littéraire, Réda s’inscrit dans la continuité des grands poètes du XXe siècle. Admirateur de Baudelaire pour son lyrisme urbain et de Pierre Reverdy pour son minimalisme, il forge un style à part, épuré et sensible, qui prend son temps et laisse respirer les images. En parallèle, il publie également des essais et des récits en prose, où il pousse encore plus loin sa réflexion sur la ville et le mouvement.

Un parcours littéraire couronné de récompenses

Au-delà de la poésie, Jacques Réda a marqué l’histoire de la littérature française par son passage à la tête de La Nouvelle Revue Française, prestigieuse institution dont il fut le rédacteur en chef de 1987 à 1996. Il y a laissé son empreinte, maintenant un haut niveau d’exigence littéraire tout en accueillant une nouvelle génération d’auteurs.

Son œuvre a été reconnue à de multiples reprises, notamment avec le Grand Prix de poésie de l’Académie française en 1997 et le Prix Goncourt de la poésie en 1999 pour l’ensemble de sa carrière. Des prix qui saluent une voix singulière dans la poésie française, capable de capter les vibrations subtiles du quotidien.

Malgré ces distinctions, Jacques Réda a toujours cultivé la discrétion. Ce modeste promeneur des villes ne cherchait ni la notoriété ni la reconnaissance publique, préférant à cela la contemplation silencieuse de l’infime et de l’insignifiant, qu’il transformait en objets poétiques.

Un legs littéraire intemporel

Le décès de Jacques Réda marque la fin d’une époque pour la poésie française, mais son œuvre, elle, continuera à résonner pour les générations futures. Ses recueils, riches de réflexions sur le temps, la ville et la solitude, restent une invitation à ralentir, à observer, à sentir.

Dans un monde de plus en plus rapide et bruyant, Réda a montré, par ses poèmes et ses proses, la beauté du silence et de la lenteur. Ses textes nous rappellent qu’il suffit parfois de lever les yeux ou de prendre un train en banlieue pour découvrir des trésors poétiques cachés.

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Avec la disparition de Jacques Réda, la littérature française perd un observateur unique de la vie moderne, un poète qui a su transformer le banal en merveilleux.

À lire

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