Shuntarô Tanikawa, le “Prévert du Japon”, s’éteint à 92 ans

Photo : DR-Capt - Nippon TV News 24 Japan

Le Japon dit adieu à l’un de ses poètes les plus emblématiques, Shuntarô Tanikawa, décédé le 13 novembre à Tokyo à l’âge de 92 ans. Son fils, Kensaku Tanikawa, a annoncé la disparition de celui qui a marqué la poésie japonaise moderne par son style novateur et son immense œuvre, traduite dans de nombreuses langues.

Dès son premier recueil, Deux milliards d’années-lumière de solitude (1952), Tanikawa s’est imposé comme un pionnier, osant une écriture ancrée dans le quotidien, accessible et profondément humaine. Pour lui, la langue japonaise était une terre fertile, comme il le confiait en 2022 : « Telle une plante, j’y lance mes racines, je m’abreuve de nutriments, je développe des feuilles, des fleurs et je porte des fruits. »

Une carrière riche et diversifiée

Shuntarô Tanikawa laisse une œuvre prolifique : plus de 60 livres, traduits en 15 langues, et des recueils salués, comme Floating the River in Melancholy, qui lui a valu un American Book Award en 1989. Ses créations mêlent poésie, traductions, ouvrages pour la jeunesse et collaborations artistiques. En plus de traduire des œuvres comme Peanuts de Charles Schulz ou des classiques de la littérature jeunesse, il a également signé les paroles du générique de la célèbre série animée Astro Boy.

Fidèle à sa liberté créative, il a souvent mêlé poésie et musique, notamment dans des projets avec son fils Kensaku, musicien. Sa série Kotoba Asobi Uta (« Jeux de mots musicaux ») illustre son goût pour les associations sonores, jouant avec les allitérations et les images évocatrices.

Un poète universel, entre tragédie et légèreté

Malgré une enfance marquée par les horreurs de la guerre, notamment les bombardements de Tokyo, Tanikawa a su insuffler une légèreté et une profondeur dans son écriture, qui lui valent d’être comparé à Jacques Prévert. En France, une partie de son œuvre est disponible grâce à Cheyne Éditeur et aux éditions Philippe Picquier, qui saluaient un auteur au « texte limpide de poésie et de philosophie ». Avec sa disparition, le Japon perd une voix incontournable, qui a su transcender les frontières culturelles pour toucher les cœurs de lecteurs du monde entier. Tanikawa laisse dans le deuil ses enfants, petits-enfants, mais aussi une poésie vivante, universelle, et éternelle.

L’Ignare, Shuntarō Tanikawa

L’Ignare de Shuntarō Tanikawa lu par Christophe Jubien

Au sein d’une oeuvre protéiforme qui inclut aussi bien des chansons saugrenues pour les enfants que des variations sur la forme du sonnet et des poèmes d’amour, L’Ignare appartient à une veine très personnelle où s’affirme la subtilité d’une poésie sans fard qui a l’art de faire naître l’émotion de notations apparemment triviales. Dans un mélange constant d’humour nonchalant et de gravité, les poèmes de Tanikawa se distinguent par une simplicité dont la transparence laisse apercevoir des profondeurs troublantes où vacille l’équilibre précaire de toute vie humaine. Il y a chez ce poète un sens prononcé de l’impertuanence des choses qu’il parvient à suggérer non seulement avec une grande fraîcheur d’esprit, mais avec une franchise qui serait à la fois celle d’un sage et d’un innocent. On admire la secrète élégance d’une poésie inclassable qui naît et se déploie apparemment avec une spontanéité sans apprêt. Apparemment est peut-être ici un mol clé, car Tanikawa a un jour confié qu’il écrivait connue Beethoven – le dur effort et les affres de la création – mais souhaitait que ses poèmes semblent écrits avec autant d’aisance que la musique de Mozart.

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