26 Nov Marise Belletête, Prix de poésie Radio-Canada 2024
Le Prix de poésie Radio-Canada 2024 consacre à nouveau Marise Belletête. Avec son poème Hier elles se sont coupées pour connaître leur âge de conifère, elle devient l’une des rares artistes à remporter deux fois ce prestigieux prix, après une première victoire en 2021 avec Sommes-nous de la même gorge qui ne consent plus à la prière?. Une performance exceptionnelle dans l’histoire de ce prix
Un texte primé pour sa profondeur et sa maîtrise
Le jury, composé des écrivains Louise Dupré, Jean-Philippe Raîche et Ouanessa Younsi, a salué l’écriture de Marise Belletête pour sa capacité à conjuguer puissance évocatrice et finesse poétique. Le poème explore les thématiques de la perte, de la mémoire et de la transformation, tissant un lien poignant entre les femmes disparues et la nature.
Dans son évaluation, le jury a souligné la chute du poème, qualifiée de « troublante et apaisante », qui donne une nouvelle dimension à l’ensemble. « Se distinguant par sa profondeur, sa cohérence et sa maîtrise formelle, le texte interroge notre rapport à la mémoire et au vivant, tout en affirmant l’importance de lutter contre l’indifférence et l’oubli », peut-on lire dans leur déclaration.
Une écrivaine à l’œuvre prolifique et engagée
Depuis sa victoire en 2021, Marise Belletête n’a cessé de cultiver sa plume. En 2023, elle a publié son premier recueil de poésie, Je laisse les enfants disparaître, aux éditions du Noroît. Ce livre rassemble notamment le poème primé en 2021, un texte qui avait marqué par son exploration des thèmes de l’identité et de la révolte intérieure.
La résidence d’écriture au Centre des arts de Banff, offerte en récompense du Prix Radio-Canada, avait été pour elle une expérience transformatrice. « C’était mémorable : écrire deux semaines dans un bateau, c’était le rêve ! », confie-t-elle. Cette immersion créative, loin du tumulte du quotidien, lui a permis d’avancer sur ses projets tout en échangeant avec d’autres artistes.
Le défi de la création
Marise Belletête voit dans le concours une source de motivation essentielle. « Me donner des défis d’écriture est souvent bénéfique, mais surtout nécessaire pour m’accorder le temps et l’espace de créer », explique-t-elle. Pour elle, la poésie est une manière d’habiter pleinement le monde, un espace de réflexion qui transcende les contraintes du quotidien.
Elle envisage de profiter de sa prochaine résidence à Banff pour travailler sur un nouveau recueil. Consciente du temps qu’il lui faut pour mener un projet à terme, elle espère réduire l’écart de dix ans qui a séparé son premier roman, L’haleine de la Carabosse (2014), et son recueil de poésie.
Une mention spéciale pour Sarah-Louise Pelletier Morin
Le jury a également remis une mention spéciale au poème Du côté des spectres de Sarah-Louise Pelletier Morin. Selon Louise Dupré, ce texte, qui mêle fragments de prose et vers libres, dessine « un espace où, à la toute fin, le corps s’ouvre ». Cette œuvre, décrite comme l’embryon d’un recueil prometteur, s’est distinguée par sa sobriété et sa maîtrise stylistique.
Un appel à écrire
Marise Belletête encourage les aspirants auteurs à tenter leur chance dans les concours littéraires. « J’ai participé de nombreuses fois avant d’être présélectionnée. C’est une expérience hors du commun qui permet de se surpasser », assure-t-elle. Avec ce second prix, elle s’affirme comme une figure incontournable de la poésie contemporaine québécoise, offrant une voix à la fois vibrante et introspective.
Son œuvre, portée par une quête inlassable de vérité et de beauté, résonne comme une invitation à explorer les profondeurs de l’âme et du langage.
À lire
Je laisse les enfants disparaître
Marise Belletête – Éditions Noroît
Sans enfant qui court devant soi, où s’enfuient les traditions ? À l’image d’une courtepointe, les poèmes de Marise Belletête reprennent le fil perdu de l’héritage et remettent au métier à tisser l’ouvrage du temps. Telle une Pénélope, la poète tisse et détisse les souvenirs d’une enfance qui s’enfuit, devenant à la fois fille d’une lignée improbable et mère-fantôme. Peu à peu, la perte laisse place à un silence habité, celui d’une filiation féminine liée par les recettes de grand-mère et par la beauté variqueuse des cicatrices. Je laisse les enfants disparaître est un recueil d’ourlets décousus et de traumas reprisés en dentelle.
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