Julie Delaloye : des actes et des mots

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Julie Delaloye n’est pas une médecin-cheffe comme les autres. À l’hôpital de Morges, où elle dirige le service de médecine interne et de soins intensifs, cette diplômée en infectiologie et docteure en médecine, formée à l’Université de Lausanne, porte également une autre casquette : celle de poète. À travers ses recueils, ses actions dans les hôpitaux et son enseignement, elle mêle deux vocations qui semblent opposées mais se révèlent, dans son parcours, profondément complémentaires.

La poésie comme ancrage quotidien

Pour Julie Delaloye, tout commence par les mots. « La poésie est arrivée avant la médecine. J’écris depuis mes 15 ans, et elle ne m’a jamais quittée », confie-t-elle. Elle n’y voit pas une échappatoire mais un fil conducteur, une manière de voir et de ressentir le monde. « Je n’ai pas besoin de lier la poésie et la médecine parce qu’elles cohabitent naturellement. Quand je traverse un paysage sur le chemin de l’hôpital, c’est la poésie qui s’impose à moi. »

Ainsi, elle puise sa force dans les mots des autres. « Les poèmes de Yves Bonnefoy et Philippe Jaccottet ne me quittent jamais. Ils m’accompagnent dans ma réflexion sur la présence au monde, ce qu’ils traduisent en douceur et profondeur », explique-t-elle. Parmi les auteurs suisses qui ont marqué sa trajectoire, elle cite Maurice Chappaz, poète de la montagne et du quotidien, qui lui a fait comprendre que la poésie peut s’inscrire dans la simplicité de la vie de tous les jours.

Sa plume a donné naissance à des œuvres comme Dans un ciel de février (2008), couronné du Prix de la Vocation de poésie, et Malgré la neige (2015), finaliste du Prix Apollinaire. Si ces textes sont profondément nourris par son expérience, ils reflètent aussi une recherche universelle : celle de réconcilier l’être humain avec sa condition, entre science et émotion.

« La maladie, c’est une fracture dans la vie de quelqu’un… »

Poésie à l’hôpital : une initiative humaniste

En 2016, Julie Delaloye décide d’introduire la poésie là où on l’attend le moins : dans les hôpitaux. Son projet, Poésie à l’hôpital, voit le jour en Suisse romande avec un objectif clair : offrir une respiration aux patients confrontés à la maladie. « La maladie, c’est une fracture dans la vie de quelqu’un. Apporter un poème dans une chambre d’hôpital, c’est ouvrir une fenêtre, offrir un lien avec quelque chose qui dépasse leur quotidien médical. »

Concrètement, chaque printemps, des poèmes sont glissés sur les plateaux-repas, des lectures publiques sont organisées, et des expositions littéraires transforment les couloirs des hôpitaux en espaces de contemplation. L’initiative repose sur des bénévoles et des partenaires convaincus de l’importance de l’art dans le soin. En 2025, le projet sera même élargi au CHU de Bordeaux, preuve que l’idée continue de rayonner.

La littérature, un outil pédagogique

Mais Julie Delaloye ne se limite pas à l’accompagnement des patients. Professeure à l’Université de Genève, elle intègre la littérature dans l’enseignement médical. « Des textes comme La Peste de Camus ou Le Maître et Marguerite de Boulgakov m’ont appris la médecine avant même mes études. Ils m’ont donné une image de ce qu’un médecin peut être, de la manière d’affronter la maladie et de comprendre le patient. »

Elle transmet cette approche à ses étudiants, persuadée que les mots peuvent former des soignants plus empathiques. « Les textes donnent un cadre pour comprendre les dilemmes éthiques et émotionnels que l’on rencontre dans le soin », explique-t-elle. Loin d’être un supplément, cet apport littéraire devient une boussole dans la formation des futurs médecins

Une quête entre science et humanité

Julie Delaloye le reconnaît volontiers : science et poésie répondent à une même question fondamentale. « Comment réconcilier notre être au monde ? » Cette interrogation guide son exploration, qu’elle soit scientifique ou littéraire. De l’infiniment petit des mécanismes cellulaires à l’infiniment grand des émotions humaines, elle construit des ponts entre deux univers souvent considérés comme incompatibles.

À l’heure où la médecine est régulièrement critiquée pour son aspect technique et déshumanisé, Julie Delaloye prouve qu’il est possible d’apporter un supplément d’âme aux soins. Avec ses poèmes, ses enseignements et ses projets, elle incarne un modèle rare et inspirant, où les mots soignent autant que les actes. Un équilibre délicat mais profondément nécessaire.

Carte blanche à Julie Delaloye

Ils sont trente poètes à avoir eu sept minutes dans un studio de l’Université de Lausanne. Cette première anthologie permet d’accéder aux lectures vivantes, au slam, à la poésie sonore aussi bien qu’à la découverte des voix d’auteurs avec les principaux poètes en Suisse romande.

Poésie à l’hôpital

Le projet Poésie à l’hôpital repose sur une idée forte : l’hôpital, lieu de souffrance et de bouleversements, peut devenir un espace de respiration et de réparation grâce à la poésie. Face à la maladie, qui creuse une brèche dans l’identité du patient, la poésie offre un accompagnement subtil et profondément humain.

Opposée à l’immédiateté, la poésie dialogue naturellement avec la médecine en abordant la finitude, la fragilité et le chaos inhérents à l’existence. Elle dépasse les frontières physiques et symboliques, créant des espaces de réflexion et d’apaisement au cœur même des soins.

En intégrant la poésie dans ses murs, par des lectures, des expositions ou des distributions de textes, l’hôpital participe à la démocratisation de cet art souvent peu accessible. Ce projet, en redonnant une voix à l’émotion et au temps long, contribue à humaniser les lieux de soin, enrichissant la rencontre entre médecine et poésie pour le bien-être des patients.

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