
04 Fév RDC : Esther, l’espoir par les mots
Depuis trois décennies, l’Est de la République Démocratique du Congo est ravagée par des conflits incessants, alimentés par l’exploitation de ses immenses ressources minières. Or, diamants, cobalt, coltan… autant de richesses qui attisent les convoitises et nourrissent les guerres. Dans cette région du Nord-Kivu, où la violence, la corruption et l’injustice rythment le quotidien, une génération de jeunes tente de trouver un autre chemin que celui des armes : celui des mots.
Un reportage, réalisé par Marion Touboul disponible sur Arte TV et accessible également sur YouTube, met en lumière cette résistance poétique à travers le collectif Goma Slam Session, une initiative qui donne aux jeunes de Goma un espace de liberté et d’expression. En six ans, ce mouvement a transformé le slam en une arme pacifique contre le désespoir et l’oubli.
La poésie comme arme pacifique
Parmi eux, Esther Abumba, 22 ans, figure emblématique du mouvement, est l’une des premières slameuses du pays. Elle utilise le slam comme un exutoire, un espace de vérité et de mémoire où elle raconte la réalité du conflit qui secoue sa ville, opposant l’armée congolaise au M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda voisin. Ses mots dénoncent, réparent et témoignent d’une jeunesse qui refuse la fatalité.
Mais au-delà du conflit armé, Esther Abumba porte dans sa poésie une cause qui lui tient à cœur : la condition des femmes. Dans le Nord-Kivu, le viol demeure une arme de guerre utilisée par les groupes armés pour terroriser les populations. Face à cette barbarie, elle puise son inspiration dans le combat du Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais et Prix Nobel de la Paix en 2018, dont l’œuvre auprès des femmes victimes de violences sexuelles force le respect.
« À travers mes textes, je veux parler à celles qui n’ont pas de voix. Je veux montrer que nous, les jeunes, nous ne sommes pas condamnés à subir », confie-t-elle.
Former une nouvelle génération de poètes
Mais le combat d’Esther et des autres membres de la Goma Slam Session ne s’arrête pas à la scène. Chaque semaine, ces jeunes artistes se relaient bénévolement dans les écoles de Goma pour initier les élèves à l’art du slam. Leur objectif : offrir aux nouvelles générations un moyen d’expression, une alternative à la violence. En six ans, ils ont déjà formé plus d’un millier de jeunes à cette poésie libre qui, dans les rues de Goma, devient un véritable acte de résistance.
Dans une région où les armes parlent plus fort que les mots, où l’avenir semble souvent condamné par l’instabilité, le slam devient une lueur d’espoir. Il est un espace de liberté, un moyen de reprendre le pouvoir sur son histoire, de ne plus être seulement spectateur du chaos ambiant, mais acteur d’un changement, aussi infime soit-il.
Face à la guerre qui gronde aux portes de leur ville, face à l’oubli et à la résignation, les slameurs de Goma Slam Session rappellent que la poésie n’est pas un luxe, mais une urgence. Une parole qui refuse le silence, qui panse les blessures invisibles et qui, peut-être, ouvre la voie à un avenir différent.
Le temps des armes n’a que trop duré. À Goma, le temps est désormais à la résistance par les mots.
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