
13 Mar Disparition d’Anthony Phelps : la voix engagée d’Haïti s’éteint
Le poète et romancier haïtien Anthony Phelps s’est éteint ce mercredi 12 mars à l’âge de 96 ans, a annoncé un membre de sa famille au média AlterPresse. Exilé sous la dictature de François Duvalier, il aura consacré sa vie à dénoncer les injustices et à défendre la mémoire de son île à travers une poésie engagée, saluée sur la scène internationale.
Un exil marqué par la lutte et la création
« Du fond des âges ton cœur sauvage chante à mi-voix. » Ces vers, extraits de son texte emblématique Mon pays que voici, résonnent aujourd’hui comme un testament poétique. Victime de la répression du régime Duvalier, Anthony Phelps fut emprisonné avant d’être contraint à l’exil. Il quittera Haïti pour les États-Unis, puis le Canada, où il poursuivra son œuvre et ses combats.
Établi à Montréal, il ne cessera jamais d’explorer de nouveaux horizons artistiques. Formé à la photographie et à la céramique à l’École des beaux-arts de Montréal, il s’illustre aussi dans l’écriture radiophonique et cofonde, en 1961, la station Radio Cacique. Il est également l’un des membres fondateurs du mouvement Haïti Littéraire, aux côtés de Réginald Crosley, Denis Villard, René Philoctète, Roland Morisseau et Serge Legagneur.
Une poésie engagée contre l’oppression
Fervent défenseur d’une écriture affranchie de l’héritage de la négritude, qu’il considérait comme instrumentalisée par Duvalier, Phelps forge une poésie exigeante et libre. « Nous avons dû apprendre à négocier avec les mots. Plus tu connais de mots, plus tu peux écrire des choses qui dérangent sans être censuré », expliquait-il dans Le Nouvelliste.
Auteur prolifique, il laisse derrière lui 18 recueils de poésie, 4 romans, un recueil de nouvelles, 2 pièces de théâtre et un recueil de contes. Son œuvre, profondément marquée par la violence du régime dictatorial haïtien, est un cri de résistance contre l’injustice. « J’ai écrit des romans pour évacuer la dictature, ses crimes, ses horreurs. Pour moi, c’est une sorte de catharsis », confiait-il.
Un poète honoré à travers le monde
Anthony Phelps a été salué par de nombreuses distinctions prestigieuses :
- Grand prix de poésie de l’Académie française (2017)
- Prix international de poésie « Gatien Lapointe – Jaime Sabines » (Mexique, 2014)
- Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres (France, 2014)
- Prix Carbet et du Tout-Monde (2016)
Son engagement et sa plume lui ont permis de devenir une figure incontournable de la littérature francophone.
« De tous les arts, la poésie est la seule qui ait été créée par l’homme.
On trouve la musique dans la nature, la peinture, la sculpture, le chant…
Mais la poésie n’existe pas dans la nature. C’est une création humaine. »
Une création à laquelle Anthony Phelps aura consacré sa vie, inscrivant son nom parmi les grandes voix de la littérature haïtienne et universelle.
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« Nomade je fus de très vieille mémoire »
Anthony Phelps lit des extraits de son anthologie personnelle « Nomade je fus de très vieille mémoire », parue aux Éditions Bruno Doucey en 2012
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