Juice Casaganthe

Photo : © DR Éditions Quartett
Juice Casaganthe
Fanny Quément – Préface de Déborah Heissler – Éditions Quartett

« Dans les sous-bois de papier Juice Casaganthe observe l’avancée des moisissures. Les ligneuses prennent un tour spongieux, les herbacées partent en vrille dans les marges. Sous les frondaisons déjà vert-de-gris, à l’initiale de chaque ramification les lettrines s’emmycosent à merveille, les ligatures se propagent sous l’effet des hyphes, les jambages en putréfaction exultent à l’idée de bientôt faire régner la confusion des n et des m, des f et des l, des i et des u, et ainsi de suite jusqu’à vraiment fondre l’e dans l’o, et qu’ainsi soit faite la volonté de Dys. »

Dans, Juice Casaganthe, Fanny Quément explore la frontière entre écriture et traduction, tout en défiant les normes linguistiques établies. Elle parodie et subvertit ces conventions avec une ironie mordante, qualifiant notamment certaines pratiques de « correctionnites » et de « garces erratiques », illustrant ainsi son irrévérence envers les standards littéraires. Cette approche iconoclaste met en lumière une attitude résolument novatrice.

Fanny Quément accorde une attention particulière à la matérialité de la langue, évoquant des sensations corporelles telles qu’une « langue scotchée » ou une « langue à pétrole ». Son texte devient ainsi un champ de bataille linguistique où la subversion des normes est une forme de résistance créative. Les « garces erratiques » symbolisent cette insubordination, transformant chaque mot en une arme de réinvention.

Sa créativité lexicale effervescente et son jeu phonétique inventif confèrent à sa prose une dimension ludique et expérimentale. En inventant des néologismes tels que « aberrationnisthme », « délitote » ou « sopate », Fanny Quément défie les conventions linguistiques et invite le lecteur à une danse langagière surprenante. Les rythmes et sonorités de ses phrases, souvent longues et accumulatives, créent une musicalité unique, rappelant l’oralité et les traditions orales. Ses métaphores audacieuses et son imagerie grotesque plongent le lecteur dans un univers onirique, où chaque image est soigneusement choisie pour son pouvoir évocateur.

Avant de se consacrer à l’écriture, Fanny Quément a traduit divers ouvrages, dont des sonnets de Leontia Flynn et l’autobiographie de Cosey Fanni Tutti. Elle est également à l’origine de la Fondation pour une Pratique Bienviolente de la Traduction et de l’Écriture (FPBTÉ), en collaboration avec la Compagnie des Arracheurs de Dents. Son intérêt pour les méthodes de désapprentissage reflète son refus de toute spécialisation, enrichissant ainsi son approche littéraire.

En 2024, elle a préfacé et traduit Dans le doute, une exploration des représailles réactionnaires vis-à-vis du féminisme et de la contre-culture. Avec Juice Casaganthe, Fanny Quément t offre une prose vivante et palpable, où les mots se déploient comme des entités autonomes, offrant une expérience sensorielle unique.

Lire Fanny Quément, c’est s’immerger dans un univers textuel dense et provocateur, où la langue devient un personnage vivant, capable de défier les rigidités normatives et de réinventer continuellement ses propres règles. Elle invite le lecteur à une exploration audacieuse de la langue, où l’erreur et l’invention se confondent pour redonner à la prose sa vitalité originelle, capable de surprendre et d’émouvoir.

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