Les éditions du Canoë à l’honneur

Photo : © Éditions du Canoë
Le Vieil Air du monde
Jean Pérol,
Éditions du Canoë

Ce printemps 2025 confirme le rôle joué par les éditions du Canoë dans la cartographie littéraire contemporaine. Fondée en 2017 par Colette Lambrichs, cette maison indépendante voit deux de ses auteurs salués par deux distinctions majeures : Jean Pérol, pour son recueil Le Vieil Air du monde, reçoit le Prix Sirène de la poésie contemporaine, tandis que Guillaume Viry est lauréat du Prix des lectrices et lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris pour son premier roman L’Appelé.

À 92 ans, Jean Pérol est l’un des derniers grands poètes français à conjuguer mémoire, langue et monde dans une œuvre cohérente. Né en 1932, il quitte la France au début des années 1960, fuyant les querelles idéologiques d’une époque où le débat littéraire s’enlise. Il vivra près de trois décennies à l’étranger, notamment au Japon, devenu pour lui une seconde patrie, mais aussi en Afghanistan et aux États-Unis, où il occupera des fonctions de professeur, d’attaché culturel et de directeur d’instituts français à Fukuoka puis à Tokyo.

Cette expérience de l’exil volontaire a profondément nourri son écriture, empreinte de retrait, de rigueur et d’un souci constant de justesse. Collaborateur de la Nouvelle Revue Française, des Lettres françaises et du Magazine littéraire, Jean Pérol a publié une vingtaine d’ouvrages, entre poésie et prose, notamment chez Gallimard et La Différence, avant de rejoindre Le Canoë. Son œuvre a été saluée par le prix Mallarmé en 1988 et le prix Max Jacob en 2004.

Avec Le Vieil Air du monde, il signe un recueil habité par les tensions du monde contemporain, mais dans une langue volontairement dépouillée, tendue vers l’essentiel. L’ouvrage alterne entre une mélancolie lucide – pour les bonheurs effacés, les complicités disparues – et une révolte silencieuse contre l’oubli, la répétition des catastrophes, les malédictions de l’histoire. Il y réaffirme aussi son refus de céder à une poésie purement formelle.

À rebours de toute posture, Jean Pérol reste fidèle à une poésie qui engage, qui pense et qui partage. « Le tout est de tout dire », écrit-il. Dans un monde qui, selon lui, « rêve de faire disparaître la poésie », il oppose une exigence fraternelle, une transparence rigoureuse, une fidélité aux rythmes souterrains de la tradition française. Le Prix Sirène de la poésie contemporaine, qui lui est attribué à l’unanimité, vient reconnaître cette œuvre longuement mûrie, intransigeante, et résolument vivante.

À quelques jours de là, c’est Guillaume Viry qui est salué par le Prix des lectrices et lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, décerné chaque année à un premier roman marquant. L’Appelé, paru en septembre 2024, retrace le parcours d’un jeune homme envoyé en Algérie en 1961, et les blessures muettes d’une guerre dont il ne revient jamais vraiment. Le texte, sobre, tendu, est une réflexion sur la transmission du silence, sur les mots qu’on ne dit pas mais qui façonnent. Il sera officiellement couronné le 12 avril au Festival du Livre de Paris.

À travers ces deux œuvres, c’est toute la cohérence du projet éditorial du Canoë qui se révèle : faire entendre des voix singulières, résistantes, habitées. La maison ne publie qu’une dizaine de titres par an, mais s’attache à accompagner des textes de longue portée, ouverts à la mémoire et au monde. À l’instar du canoë traditionnel dont elle porte le nom, elle transporte des récits essentiels sur les fleuves d’un présent incertain.

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