
10 Juin Rima Poésie Club : une scène, pas un piédestal
Sortir la poésie de ses cadres. La déscolariser. Lui rendre son énergie brute. Voilà l’ambition. En 2023, l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, pose les fondations : ce sera un club, pas un cénacle. Le Rima Poésie Club surgit comme une onde de choc dans un paysage littéraire trop souvent figé. Ici, on déclame, on slame, on traverse les langues.
Pas de podium. Pas de révérence. Une scène. Vivante.
Une graine semée entre deux discours
Tout commence par une habitude singulière : au Sénat ou à l’Assemblée, Rima Abdul Malak termine ses interventions par un poème. Un jour, Jean-Pierre Siméon ; un autre, Marc Alexandre Oho Bambe. Des vers pour briser le béton technique. Elle le dit sans détour : « les chiffres, c’est bien, mais l’émotion, c’est mieux ».
Peu à peu, un rituel s’installe. Les sénateurs s’habituent à ces fins de discours poétiques. Dans les « dîners inspiration », organisés au ministère le soir, la parole se libère. On y croise des éditeurs, des poètes, des artistes. Un soir, au détour d’une visite improvisée des salons de Valois, les invités sortent leurs textes. Lectures spontanées. Poésie debout. Épiphanie. Rima Abdul Malak comprend qu’il faut ouvrir ces moments au public.
Un format libre, une scène affranchie
6 décembre 2023, Salon des Maréchaux. Première. Affluence record. On rajoute des chaises. Sur scène : Nimrod, Éric Ruf, Cécile Coulon, Rim Battal. En fond sonore, la pianiste Caroline Bentz. En visuel, un dessin de Zeina Abirached. Dans la salle, des jeunes venus via le Pass Culture, des curieux, des lecteurs, des followers. Rima Abdul Malak présente, orchestre, sans prendre le micro pour elle.
C’est un club, pas un gala. Et le ton est donné : la poésie y est performance, échange, lien. Pas démonstration.
Le succès est immédiat. La première édition donne le tempo. On sort de la maison de la poésie. On sort des murs. On sort du cercle. Les jeunes sont là. Ils écoutent. Et ils reviennent.
Le Consulat Voltaire, laboratoire poétique
Deuxième acte. Le Rima Poésie Club s’installe au Consulat Voltaire, ex-station électrique du 11e arrondissement de Paris, lieu hybride et brut. Pas de fauteuil rouge. Pas de rideau de velours. Un espace horizontal, où les poètes parlent à hauteur d’humain. Stéphane Bataillon, Lisette Lombé, Katerina Apostolopoulou… Face à eux, un public jeune, souvent novice. Et pourtant, captivé.
Ce n’est pas qu’un choix de décor. C’est une déclaration d’intention : sortir la poésie de ses circuits. La faire circuler. Créer du frottement, du déséquilibre, de l’échange.
Le lieu reflète l’esprit du club : ancré, accessible, vivant. Rima Abdul Malak ne veut pas d’institutionnalisation. Pas de forme figée.
« Un poète n’a pas besoin d’un piédestal, il a besoin d’une oreille. »
Une poésie plurielle, incarnée, urgente
Le club revendique un mélange des genres. Lecture, performance, slam, chanson, improvisation. Des poètes confirmés côtoient des jeunes voix. Rima Abdul Malak cite le Zajal libanais de son enfance, forme de joute poétique orale, comme racine de cette forme directe, déclamée, vibrante. Elle revendique une poésie physique, sensible, qui passe par le corps autant que par le verbe.
L’histoire de Falmarès incarne cette vision. Jeune poète guinéen, arrivé seul en France, il commence à écrire dans une bibliothèque. Découvert par une maison d’édition bretonne, repéré par Flammarion. Aujourd’hui, il lit ses textes sur scène, parfois dans sa langue maternelle. Il symbolise cette poésie d’accueil, ouverte, migrante.
Les soirées croisent les voix, les idiomes, les rythmes. Pas de hiérarchie. Juste une constellation de présences. À venir : Cécile Coulon, Souleymane Diamanka, Rim Battal. Et même Grégoire Leprince-Ringuet, en poète, non en comédien.
Rima Abdul Malak veut aussi faire entendre les langues. L’arabe, le créole, le grec. Chaque langue apporte sa musicalité, chaque poète, sa géographie intérieure. Multilingue, le club devient une chambre d’échos du monde.
Poésie de terrain, engagement discret
Depuis son départ du ministère, Rima Abdul Malak ne décroche pas. Elle crée un spectacle avec Alexandre Tharaud, programme une soirée poésie arabe au Festival d’Avignon, multiplie les lectures. Elle est là, à Vannes, au Liban, sur Instagram. Elle partage ses lectures, ses coups de cœur, et prolonge cette dynamique de passeuse.
Elle tient à ce que le format du Rima Poésie Club reste simple, fluide : billetterie basse (10€), auteurs rémunérés, librairie partenaire à la sortie. Elle refuse d’instrumentaliser son statut. Pas de communication forcenée. Pas de marketing. Mais une exigence : la sincérité.
Et une ambition : toucher la jeunesse. Celle qui, souvent, n’a jamais vu un poète vivant. « Il faut les désarmer par les mots », dit-elle.
Un message reçu. Une lycéenne lui écrit après une lecture :
« Je tenais à vous remercier pour le Rima poésie club. Je suis venue sur invitation du Pass culture et je dois dire que j'ai beaucoup aimé, j'ai même été très émue, malgré mes réticences à l'origine. Je dois dire que les cours de français du collège et du lycée n'ont pas su me faire apprécier la poésie. Vous venez de me réconcilier avec la poésie. Merci encore. »
La poésie comme contre-champ
Dans un monde saturé d’images, d’injonctions, de bruits, la poésie offre un contrepoint. Un rythme à rebours. Une respiration. « C’est un espace de désynchronisation, d’écoute, de fraternité », explique Rima Abdul Malak. La poésie, dit-elle, permet de se reconnecter à ce qui reste humain.
Le Rima Poésie Club n’est pas une opération culturelle. C’est un geste. Une façon d’habiter le langage. Une tentative, fragile mais obstinée, de faire circuler autrement les mots.
De transformer la parole poétique en pont, pas en piédestal. Et, peut-être, de redonner au verbe sa capacité à faire commun.
Sans majuscules. Mais avec intensité.
Poètes debout et voix en mouvement lors d'édition du 24 avril
De la scène à la page, de la musique aux luttes, ces artistes incarnent les multiples visages d’une poésie vivante et engagée. Katerina Apostolopoulou mêle les langues et le théâtre ; Stéphane Bataillon fait vibrer les mots dans les colonnes de La Croix ; Caroline Bentz et Marc Alexandre Oho Bambe — co-directeurs du journal Prose combat — chantent l’espérance entre poésie et engagement. À leurs côtés, Ange Oho Bambe, Lisette Lombé, Marc Nammour et Rima Abdul Malak tracent des lignes de feu entre poésie, performance et prise de parole.











Informations pratiques
- Dates : 1 juillet 2025
- Lieu : Le Consulat Voltaire,
14 avenue Parmentier,
75011, Paris - Accès : entrée 10€
Rima Poésie Club
Rendez-vous le 1er juillet
Le Rima Poésie Club revient au Consulat Voltaire à Paris pour une nouvelle édition, plus intense que jamais. Fidèle à sa mission — sortir la poésie de ses carcans, la rendre à sa vitalité première — ce rendez-vous porté par une vision décloisonnée de la culture met à l’honneur cinq figures majeures d’une poésie vivante, politique, incarnée.
En tête d’affiche : Jean-Pierre Siméon, figure tutélaire, poète engagé et passeur infatigable. Prix Apollinaire, Grand Prix de l’Académie française, il viendra rappeler pourquoi, selon lui, la poésie sauvera le monde. À ses côtés, Falmarès, jeune poète guinéen à la trajectoire vertigineuse, devenu l’un des nouveaux visages de la poésie francophone avec Catalogue d’un exilé (Flammarion, 2023).
Également au programme : Marion Collé, poétesse-fildefériste, funambule du verbe et du corps, qui donnera voix et souffle à son dernier recueil-spectacle Traverser les murs opaques. Sofia Karámpali Farhat, poétesse gréco-libanaise, questionnera les frontières et les désirs dans une poésie à la fois géopolitique et charnelle. Et pour tisser les fils sonores de cette soirée, la pianiste et compositrice Macha Gharibian fera vibrer les langues du monde au rythme d’un jazz métissé et libre, comme un hommage aux puissances de la parole.
Rendez-vous le 10 septembre
Une fois encore, les univers convoqués sont multiples, et puissamment singuliers. Le slameur Souleymane Diamanka posera ses mots ciselés entre spiritualité et engagement. La romancière Cécile Coulon, révélation fulgurante de la scène littéraire française, viendra avec ses vers robustes et sensibles .
La poétesse franco-marocaine Rim Battal, voix libre et féministe, entre oralité, performance et écriture intime, partagera la scène avec Grégoire Leprince-Ringuet, acteur et poète, amoureux des alexandrins, dont le recueil Les Entrelacs rend hommage à une poésie classique pleinement réinventée.
Rima Abdul Malak… en bref
Une trajectoire au cœur de la culture française
Rima Abdul Malak, ancienne ministre de la Culture. Franco-libanaise, elle commence son parcours dans l’humanitaire avant de s’investir dans la mise en œuvre des politiques culturelles, à l’Institut français, la mairie de Paris puis l’Ambassade de France à New York. Conseillère culture d’Emmanuel Macron en 2019, elle est ministre de la Culture de 2022 à 2024. Ses priorités : jeunesse, patrimoine, création, indépendance des médias. Avec une touche personnelle : la poésie comme fil rouge de son action. Elle a récemment créé le spectacle Debout dans la nuit avec le pianiste Alexandre Tharaud, mêlant musique et lecture de poèmes.
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