Matthieu Chedid : Je dis “M”

© Photo : Cédric Perrin/Bestimage

Ce n’est pas par hasard si Matthieu Chedid a pris comme patronyme – M-. Il l’a choisi en hommage à sa grand-mère, la poétesse Andrée Chedid et plus précisément, en référence à l’un de ses poèmes dont le texte est incroyablement en phase avec la modernité de sa musique.

Les chansons de Matthieu Chedid sont imprégnées de l’âme de sa grand-mère, poétesse franco-égyptienne d’origine libanaise dont l’œuvre ne laisse personne indifférent. Elle a tissé des mots avec une grâce infinie qui a su toucher les cœurs de nombreux lecteurs et auditeurs lumineux. Mais son influence ne s’est pas arrêtée à la page blanche de ses poèmes et de ses romans. Son héritage s’est répandu au cœur même de la musique de son petit-fils, Matthieu Chedid, qui y a puisé une part de son inspiration.

Matthieu Chedid a grandi, dans son ombre, bercé par les récits de cette femme exceptionnelle, par la mélodie de sa voix et la profondeur de ses vers. Elle a insufflé en lui l’amour des mots, la beauté de la langue française et le pouvoir de l’émotion. Elle lui a transmis le don de la poésie, cette magie qui transforme les pensées en vers, les sentiments en mélodies.

On retrouve, dans les chansons de Matthieu, cette sensibilité à fleur de peau, cette capacité à exprimer les émotions les plus profondes, à jongler avec les mots pour créer des images qui touchent en plein cœur. Comme Andrée Chedid, il sait faire vibrer les cordes de l’âme, réveiller les passions endormies, et susciter l’émerveillement devant la beauté du monde.

Mais l’influence d’Andrée Chedid va au-delà des mots. Elle a aussi légué à son petit-fils une curiosité insatiable, une soif de découverte et d’expérimentation. Matthieu Chedid explore la musique avec la même audace que sa grand-mère explorait la poésie. Il ose mélanger les genres, briser les conventions, et créer des univers sonores uniques. Dans ses chansons, on entend le souffle de l’innovation, l’audace de l’exploration, tout comme on pouvait le percevoir dans les écrits d’Andrée Chedid.

Et puis, il y a cette dimension intemporelle, ce lien indéfectible entre les générations. Andrée Chedid a traversé le temps grâce à ses mots, et Matthieu Chedid perpétue cette tradition en les faisant résonner dans sa musique. C’est comme si le fil de la créativité et de la sensibilité se transmettait de génération en génération, créant ainsi une chaîne invisible mais puissante qui relie le passé au présent.

Cette influence transcendantale de la poésie d’Andrée Chedid dans la musique de Matthieu Chedid crée une synergie unique qui touche le cœur et l’âme. Les chansons de -M- sont empreintes de poésie, de métaphores, et de jeux de mots subtils, rappelant le style de sa grand-mère. Les thèmes abordés dans ses chansons, tels que l’amour, l’identité, la quête de soi, et la réflexion sur le monde qui nous entoure, résonnent avec les préoccupations de la poésie d’Andrée Chedid.

La musique de -M- est un mélange d’émotions pures et de réflexions profondes, tout comme les écrits de sa grand-mère. Les liens familiaux sont souvent le fil conducteur qui tisse la trame de nos vies. Ils nous influencent, nous inspirent, et parfois, ils donnent naissance à des œuvres d’art remarquables. C’est le cas des Chedid ; leur relation, bien qu’ancrée dans le sang, transcende le simple lien familial pour devenir une source d’inspiration inestimable.

Le poème « fondateur » d’Andrée Chedid

« J’ai les méninges nomades
J’ai le miroir maussade
Tantôt mobile Tantôt tranquille
Je moissonne sans bousculade
Je dis aime Et je le sème Sur ma planète
Je dis M Comme un emblème.
La haine je la jette 
Je dis aime, aime, aime
Du Sphinx dans mon rimeur
Paris au fil du cœur Du Nil dans mes veines
Dans mes artères coule la Seine
Je dis aime Et je le sème Sur ma planète
Je dis M Comme un emblème
La haine je la jette
Je dis aime, aime, aime
Pour le dehors le dedans
Pour l’après pour l’avant »

© Photo : Bruno Bebert/Bestimage
M : son double sur scéne

En 1997, Matthieu Chedid prend son envol et se lance dans un premier album solo – Le Baptême – pour les besoins duquel il crée son double, qu’il baptise M. Un curieux personnage à la coupe de cheveux improbable (en forme de M !) qu’il vêt de redingotes et d’habits de velours pailletés. «J’avais besoin de sortir de ma timidité, du côté fils à papa toujours un peu lourd, confie Matthieu. J’ai commencé à vouloir dessiner un M avec mes cheveux, puis il fallait trouver un look à ce personnage. Je me suis inspiré de Prince, de Sgt. Pepper, de Bowie. J’avais besoin de me créer mon monde imaginaire. M m’autorise à être un enfant en étant adulte.» 

Participez au jeu des Poèmes Exquis en vous promenant dans le laboratoire poétique et musical de Matthieu.
  • Le jeu consiste à composer un poème exquis- en vers (Alexandrin ou sonnet) ou en prose- par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte des collaborations précédentes. Il est bien sûr possible de participer plusieurs fois dans le même poème, à partir du moment où un autre participant a joué avant vous.
  • Chaque participant peut utiliser 9 mots maximum par phrase et un poème exquis se termine au bout de 8 participations.
  • Pour les poèmes en vers, la dernière phrase apparait, alors que pour les poèmes en prose, seul le dernier mot est visible

Récréation poétique avec -M- et Pierre Richard 

(Hommage à la poésie d’Andrée Chedid)

Il y a quelques années, Matthieu Chedid et Pierre Richard ont offert une performance unique sous forme d’une « bulle » de poésie musicale lors d’un événement en direct sur les réseaux. Pendant environ 40 minutes, le duo a harmonieusement combiné leurs voix et instruments avec la sublime prose d’Andrée Chedid. Ce fut un tribut empreint de tendresse à la célèbre poétesse.

Andrée Chedid : portrait de femme

De son nom complet Andrée Saab Chedid, écrivaine et poétesse franco-égyptienne d’origine libanaise, née le 20 mars 1920 au Caire et décédée le 6 février 2011 à Paris, elle fut une figure majeure de la littérature francophone du XXe siècle. Elle a laissé une empreinte indélébile dans le monde de la poésie grâce à une œuvre riche, profonde et intimement liée à sa propre identité et à ses expériences de vie. Sa poésie est un reflet vibrant de son parcours personnel, de ses réflexions sur la condition humaine et de son engagement envers l’écriture comme moyen d’exploration de l’âme.

L’un des fils conducteurs les plus marquants de son œuvre est la recherche de l’identité et de la quête de soi. Elle a souvent utilisé la poésie comme un miroir de sa propre expérience en tant que personne d’origine arabe vivante en France, naviguant entre deux cultures et deux langues. Sa poésie témoigne de la complexité de cette dualité culturelle, tout en célébrant la richesse qui en découle.

Tout au long de sa carrière, Andrée Chedid a expérimenté diverses formes et styles poétiques, de la poésie narrative à la poésie lyrique, ce qui témoigne de sa maîtrise de l’art poétique. Ses vers sont souvent empreints de lyrisme et d’images poétiques évocatrices, transportant le lecteur dans un voyage au cœur des émotions humaines.

Dans son recueil Textes pour un poème (1950), Andrée Chedid explore la dimension intime de la poésie, où chaque poème est une quête de sens, une tentative de décrypter le monde et les sentiments qui l’animent. Ses mots sont des étoiles dans la nuit, des lueurs d’espoir dans l’obscurité, et des reflets de l’âme humaine dans toute sa complexité.

Retenons l’essentiel : la poésie d’Andrée Chedid transcende les frontières culturelles et linguistiques, offrant un héritage poétique riche qui continue d’inspirer les générations futures. Sa capacité à exprimer la complexité de l’âme humaine, sa sensibilité à la diversité culturelle et sa quête inlassable de sens font d’elle une voix importante de la poésie francophone et un trésor littéraire à découvrir et à apprécier.

Biographie

Andrée Chedid - L'écriture de l'amour - Carmen Boustani

Carmen Boustani est une des plus grandes spécialistes de l’oeuvre de Colette et d’Andrée Chédid qu’elle a bien connue. Professeur des universités à Beyrouth, et professeur invitée/associée dans de nombreuses universités (Santa Barbara, Barcelone, Montréal, Angers, etc.), elle est l’auteur d’un grand nombre de travaux et d’ouvrages sur l’écriture au féminin et sur les littératures méditerranéennes.

Andrée Chedid

À voix nue (France Culture, 2002)

Par Catherine Pont-Humbert; réalisation Bruno Sourcis. (Rediffusion de l’émission du 11/03/2002).

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