Le Brésil offre l’immortalité à un poète

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Idées pour retarder la fin du monde
 Éditions Dehors

Vendredi 5 avril, un moment historique s’est déroulé à l’Académie brésilienne des Lettres à Rio de Janeiro : Ailton Krenak, écrivain, poète et militant autochtone, a été intronisé comme nouveau membre, devenant ainsi le premier « immortel » autochtone au sein de cette prestigieuse institution littéraire et linguistique du Brésil. Cet événement, qualifié « d’historique » par les médias nationaux ,marque un jalon important dans la reconnaissance et la valorisation des voix autochtones dans le paysage culturel et intellectuel brésilien.

« Je ne suis qu’une seule personne mais je représente les 305 peuples autochtones du Brésil. » Ailton Krenak, 70 ans, affiche une fierté indéniable en devenant le premier membre autochtone à intégrer l’élite de l’Académie des Lettres du Brésil. Paré d’un habit vert foncé orné de motifs floraux dorés, et coiffé du bandeau traditionnel de son peuple, il a abordé avec humour son « élégante nouvelle tenue ».

Ailton Krenak a pris l’engagement de braquer les projecteurs sur les près de 200 langues autochtones du Brésil, soulignant cinq siècles de lutte et de souffrance depuis l’arrivée des colonisateurs européens. Il a, notamment, critiqué les récentes excuses formulées par le gouvernement brésilien, les jugeant insuffisantes. « Les excuses sont un geste, mais les actions concrètes sont la véritable forme de réparation », a-t-il proclamé, recevant une salve d’applaudissements en réponse.

Élu en octobre dernier à l’une des quarante chaises de cette institution inspirée de l’Académie française, il a rappelé avec émotion l’expropriation de son peuple de leurs terres ancestrales durant la dictature des années 1970, période marquée par des arrestations et des tortures infligées aux membres de sa communauté. Ailton Krenak a également critiqué la période sombre de l’acculturation forcée, soulignant que les peuples autochtones entamaient le XXIe siècle épuisés par une lutte incessante pour leur simple droit à l’existence.

Idées pour retarder la fin du monde

Dans ses écrits, Ailton Krenak remet en question le concept de « civilisation » apporté par les colonisateurs, qu’il considère comme une dérive ayant distancié l’humanité de ses racines terrestres. À travers son ouvrage « Idées pour retarder la fin du monde », il critique sévèrement l’exploitation excessive de la planète par les grandes corporations, responsables de la destruction des forêts, des montagnes et des cours d’eau. Il propose une alternative inspirée du mode de vie des peuples autochtones, qui vivent en harmonie et connexion profonde avec la nature, telle une extension d’eux-mêmes.

Pour lui, cependant, la crise environnementale transcende les frontières communautaires, menaçant l’existence même de l’humanité, y compris celle des non-autochtones. Il pousse sa réflexion jusqu’à suggérer que la survie de la planète pourrait nécessiter l’absence de l’homme, espérant une disparition rapide de l’espèce humaine pour permettre à la Terre de poursuivre son évolution naturelle.

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