
20 Mai Le Poetry Club : la nouvelle vague pop de la poésie
Qui a décrété que la poésie prenait la poussière, coincée entre les livres jaunis de nos années d’école et quelques boules de naphtaline ? Qui a osé dire que les jeunes n’avaient plus rien à dire et que les poètes ne pouvaient pas devenir les prochaines icônes de la pop culture ?
Après David Bowie, Patti Smith et Lady Gaga : une relève inattendue est peut-être là. Elle envahit les réseaux, elle monte sur scène et elle claque des vers, électriques.
Rencontre avec Hadrien, l’un des fondateurs du Poetry Club. La nouvelle vague, il ne l’a pas seulement vue venir, il surfe dessus bien décidé à la transformer en une déferlante qui va inonder l’espace public d’une poésie moderne, vivifiante et incarnée.
Un vent de fraîcheur est venu secouer la cosmogonie poétique. Mise en orbite.
Ça va balancer du son et de la poésie
Je rentre dans la Rotonde Stalingrad, l’un des repères parisiens pour les amoureux d’expériences artistiques et éclectiques niché au bord du canal de l’Ourcq. Les techniciens du lieu s’affairent, tirent des câbles électriques, préparent le bar, poussent des flight-cases, installent la table de mixage et les platines. Le tout avec l’aisance et la fluidité d’une mécanique horlogère, rôdée et bien huilée.
Ambiance jeune et décontractée. Ce soir c’est plutôt branché électro… et poésie.
Hadrien arrive, suivi de près de son acolyte Victorien – lui aussi co-fondateur du Poetry Club – et des artistes qui vont performer dans quelques heures pour l’une des soirées thématiques du collectif. Ce soir les vibes électro vont accompagner de leur tempo les textes poétiques de Malo Lafleur, Stéphanie Vovor, Sara Bourre, Selim-a Atallah (du collectif Mooja) et Hadrien, lui-même connu pour ses poèmes-dessins sensibles et faussement naïfs, « les crottins verbaux ».
Avant que les « hostilités » ne commencent et pendant que les djs de Namek Records règlent les balances, Hadrien prend le temps de me retracer son parcours, me dévoiler les rouages d’un écosystème poétique qui ne connaît pas la crise et surtout l’ambition du collectif : diffuser une poésie métamorphe, authentique, accessible et bien ancrée dans le réel.
J’ai rencontré les « Velvet » de la poésie, bien décidés à casser les codes, cultiver l’avant-garde et faire remonter l’underground à la surface.
Le sens de la formule
« Les jeux de mots m’ont donné le goût de la poésie »
L’amour des mots, Hadrien l’a depuis tout gamin. C’est d’abord dans la publicité qu’il exercera son goût de la phrase ciselée et de l’idée bien trouvée : « un job fantasmé » me confie-t-il.
Après des études de communication, il devient ainsi concepteur-rédacteur pour une agence indépendante. Il y découvre le frisson de retrouver ses créations affichées dans les coursives du métro ou sur les ondes télé.
Mais l’envers du décor d’un univers qui peut être sans concession se révèle aussi rapidement.
C’est alors dans une agence éditoriale que ce « poète infiltré » poursuit sa trajectoire et qu’il rencontre ses deux futurs associés : Victorien et Simon. Chef de projet créatif, il prend rapidement la direction d’une équipe. Piloter un projet de l’ébauche de l’idée à sa concrétisation, le tout en motivant les troupes et en dénichant les bons talents, il sait faire.
C’est à ce moment que la bascule poétique s’amorce. Bascule ? PAUSE/REWIND, on rembobine.
Son entrée en poésie s’est déjà faite un peu avant, en parallèle de ses études, par la découverte de l’Oulipo et la lecture des « amuseurs de la littérature » comme Queneau et Pérec. L’esprit oulipien qui allie rigueur formelle, contraintes et inventivité littéraire le captive et fait écho au milieu publicitaire. Très tôt, il perçoit dans la poésie « le lieu d’une possible expression de l’avant-garde littéraire ».
La trajectoire poétique commence autour de ses vingt ans. Un ami s’amuse à redéfinir les mots avec poésie et fantaisie. Cela l’inspire et il emboîte le pas. Naît la première version des Crottins Verbaux (un blog toujours existant que vous pouvez découvrir sur Tumblr).
Il y a trois ans il quitte l’agence éditoriale avec le sentiment d’avoir fait le tour de la sphère publicitaire.
Il empaquette sa vie, la met dans un van et part pour un périple de plusieurs mois en Europe. Voyager pour ralentir, observer, écouter…et créer un univers qui lui est propre. Cet amoureux des contraintes s’en fixe une pour son voyage : produire un dessin et une phrase poétique par jour, les Crottins verbaux évoluent.
Très vite son univers poétique séduit une communauté sur les réseaux sociaux.
Le voyage continue, la communauté augmente et il avance sur son chemin poétique au fil des jours et des paysages, à son rythme.
L’appel des grands horizons le pousse ensuite à traverser l’Atlantique : il part vivre à Montréal. Il y découvre la scène québécoise, la richesse et la diversité de maisons d’édition qui osent mettre en avant des profils jeunes à l’écriture pop et décomplexée (comme les éditions Ta mère) et le spoken word : « on rit, on pleure, on chante, je prends une claque ». Et surtout, il se sent à l’aise.
Il rentre en France en janvier 2024 et se prend une deuxième claque. Mais celle-ci est moins agréable.
La scène poétique française lui donne la sensation d’un costume trop étroit et empesé. Il ne s’y retrouve pas, à quelques exceptions près comme la scène ouverte Mange tes mots ou encore le Bordel de la Poésie.
Pourtant il la sent venir cette vague. Elle est là, elle enfle sur les réseaux sociaux et dans les recueils de voix contemporaines, comme celle de Rim Battal par exemple. Et son écume cherche à ourler le bord du quotidien et lécher le bitume de la vraie vie.
Il décide alors de créer un événement qui lui ressemble en espérant que d’autres y trouveront le reflet de leurs aspirations.
Le Poetry Club : naissance d’un nouveau modèle poétique
L’idée lui vient de proposer des événements par lesquels la poésie se découvre en direct. Une poésie performée à la langue pulsée, sans chichis, décloisonnée et accessible. De l’art vrai, sans filtre.
Il imagine un format inspiré du Comedy Club : 6 à 8 artistes qui déclament des textes pendant quelques minutes et un animateur qui met le public en condition d’écoute et de réception des textes.
Pas de thématique particulière au début, simplement une diversité de profils et d’univers pour augmenter les chances que les spectateurs puissent être captés par au moins l’un des artistes.
Il contacte la Gaîté Lyrique armé de sa seule témérité. Et il vise juste. Non seulement le lieu lui accorde sa confiance mais la soirée affiche complet.
Nous sommes en mars 2024.
Avec Victorien et Simon, Hadrien commence à réfléchir à la viabilité du projet et à son modèle économique. Une préoccupation majeure pour ce poète qui souhaite proposer aux artistes un cadre de rémunération indépendant des seules logiques de subventions.
C’est ainsi que tout l’écosystème Poetry Club se met en place et que l’activité commence réellement en octobre dernier avec un seul mot d’ordre « la poésie partout ».
Ce qui n’était au départ qu’un format de scène est devenu une structure aux multiples ramifications. L’offre événementielle grand public comporte désormais une scène mensuelle (un format plus réduit, pour pousser les profils émergents) puis des hors-les-murs avec des thématiques et des formats hybrides : « cela nous permet de rencontrer de nouveaux publics ».
En parallèle l’agence Poetry Club insuffle la poésie dans le monde de l’entreprise : des animations sur-mesure pour les séminaires ou autres événements corporate, des ateliers d’écriture et même des collaborations d’influence ! Lena Situations n’a qu’à bien se tenir. Les poètes ont aussi leur place sur le tapis rouge. En témoigne la dernière collaboration de Malo Lafleur et de Tinder.
Concernant les partenariats de marque, Hadrien insiste : ici, rien n’est laissé au hasard. Chaque projet passe à travers un filtre éthique rigoureux, et la décision finale revient toujours à l’artiste.
Et son modèle fonctionne, l’entreprise est rentable et permet d’investir dans de nouveaux projets, rémunérer les artistes, réconcilier le public avec le plaisir des mots et replacer le poète au milieu de la cité.
La relève poétique, connectée et authentique
Quels sont les contours de cette nouvelle vague ? Qu’est-ce qui l’anime, quels désirs profonds la traversent ?
Pour Hadrien, la nouvelle génération poétique est en prise avec une époque particulièrement anxiogène. Elle est en quête d’oxygène, de sincérité, d’espaces de souffle — et peu importe qu’elle n’ait pas de bagage littéraire.
Tous les auteurs qu’il admire, entre autres Nathalie Quintane, Cécile Coulon, Edouard Levé, Hervé Le Tellier, Pier Paolo Pasolini et surtout les artistes qu’il fait monter sur scène, qui ont ceci de commun d’expérimenter et d’ouvrir de nouveaux espaces de parole. Ainsi la nouvelle génération défriche, ouvre des brèches de réflexion en proposant une poésie plus courte, plus instantanée, plus connectée aux émotions.
Et l’agitateur de particules poétiques qu’est Hadrien souhaite accompagner ce mouvement, catalyser et mutualiser les énergies pour faire œuvre commune.
Il souhaite également insuffler l’envie, donner confiance, aider les jeunes talents à croire en leur voix, à oser. Leur montrer que l’écriture peut s’incarner, que la scène n’est pas un sommet inaccessible et qu’au contraire la cloison peut être fine entre le temps de l’écriture et celui de la performance devant un public.
« N’ayez pas peur d’écrire, de montrer votre travail et de vous confronter à d’autres sensibilités. »
Le Poetry Club se veut un bastion de diversité et de modernité. Un bâtisseur de ponts entre les différentes chapelles existantes pour faire monde ensemble au nom d’un art qui connecte les gens. Pas seulement en ligne, dans la vraie vie aussi.

- 25 mai à Paris
Scène érotique au Boudoir des Muses.
- 20 juin à Paris,
Grande scène de fin de saison à La Bellevilloise.
Le Poetry Club
« la poésie partout »
Né à Paris en mars 2024 à la Gaîté Lyrique, le Poetry Club bouleverse les codes de la scène littéraire. Fondé par Hadrien, Victorien et Simon, le collectif propose une poésie « incarnée, métamorphe, authentique », pensée comme un art vivant et accessible. Inspiré du modèle des comedy clubs, chaque événement réunit 6 à 8 artistes aux esthétiques variées, portés par une animation rythmée et une mise en scène soignée.
Au-delà de ses scènes mensuelles et de ses soirées hors-les-murs, le Poetry Club se structure en véritable écosystème. Une agence dédiée déploie désormais la poésie dans les entreprises, les événements culturels et même les collaborations de marque, à l’image du partenariat entre le poète Malo Lafleur et Tinder. Le tout dans une démarche éthique où la décision finale appartient toujours à l’artiste.
À travers son mot d’ordre : « la poésie partout », le Poetry Club veut incarner une nouvelle vague littéraire, connectée, audacieuse et bien ancrée dans le réel.
Hadrien… en bref
Poète, illustrateur et co-fondateur du Poetry Club
À travers le projet @crottinsverbaux, il développe une poésie brève et illustrée, faussement naïve, où le trait de crayon dialogue avec les mots.
Défenseur d’une poésie à la fois exigeante et accessible, il publie en 2024 son premier livre J’avais oublié que c’était beau, un carnet d’expériences poétiques paru chez Solar.
Son univers graphique accompagne également d’autres voix, comme celle de Marion Fritsch (Les Fragments du cœur, paru chez Albin Michel en 2024). Il présentera également sa première exposition personnelle à Paris en juin 2025.
Sur scène, ses textes prennent une autre épaisseur : plus introspectifs, ils révèlent le verso du personnage candide qu’il campe sur les réseaux.
Avec l’ambition de connecter la poésie à notre réalité et d’offrir une tribune aux talents émergents et confirmés de la nouvelle vague poétique, il fonde le Poetry Club en 2024.
Fort du succès de ce nouveau format, basé sur le rythme d’un Comedy Club mais avec une identité propre à la poésie, Le Poetry Club se produit désormais tous les mois au sein de l’école d’écriture Les Mots, et propose également une grande scène à la Gaité Lyrique.
François Marie Pons
Publié à 15:15h, 21 maiUne déferlante c’est vrai, pas un ras de marée qui dévaste où l’on se noie mais un tapis volant qui franchit les frontières de l’imaginaire qui transporte les amoureux de la vie ! Bravo à vous for ever !