Du verre entre les doigts

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Du verre entre les doigts – Alix Lerasle
 Éditions Le Castor Astral

Alix Lerasle est romancière et poétesse. Elle a obtenu le prix de la Vocation pour son recueil Faut-il des murs pour faire une maison ? (Cheyne). Du verre entre les doigts est son premier roman.

“la maison est comme nous comme nos corps étrange pleine d’échardes le long des poutres en bois le carrelage est cassant ses murs sont granuleux il fait si sombre dans l’escalier même à midi on croit qu’il pleut la maison a des chambres qui respirent leurs poussières suspendues dans la lumière la nuit nous toussons dans nos draps ma chambre à moi c’est la pire”…

« Du verre entre les doigts », c’est le titre adéquat pour ce livre, car on ne termine pas sa lecture indemne. Ça commence avec une dissonance presque douce, celle d’une porte qui grince ou d’un parquet qui geint, et ça monte crescendo, jusqu’à vriller les tympans. Plus on entre dans l’histoire, plus le verre brisée qu’est cette famille dépeinte nous rentre profond dans les doigts et dans le coeur.

Ce roman en vers, roman-poème ou comme vous voudrez l’appeler, raconte une famille fissurée de toute part, le père enfui, la mère malade, le grand frère mutique, le petit frère dans un ailleurs, et la narratrice qui aimerait exister au milieu de tout ça mais qui se hait, quand elle ne hait pas sa mère, et qui s’épuise à combattre l’enfant rêvée dans sa tête qui lui rappelle qu’elle n’est jamais assez bien. Comme le premier recueil publié chez Cheyne de Alix Lerasle, prix de la Vocation, ce livre interroge la notion de maison. Ici, la maison quand elle n’est pas foyer protecteur, rassurant, chaleureux, mais entité menaçante, étouffante, culpabilisante, quand elle encapsule tout ce qui pèse sur l’enfance et l’empêche.

Ça dit aussi la maison qui vacille en même temps que la mère-pilier qui fait comme elle peut.

C’est un premier roman qu’il faut saluer pour sa sensibilité, sa délicatesse, son intensité et son ingéniosité, lui qui tire le meilleur parti de sa forme libre. Ce n’est certes pas une lecture joyeuse mais c’est une lecture que vous porterez sans doute toujours en vous, comme la petite cicatrice d’une blessure d’enfance.


Et si vous le lisez bien jusqu’au bout, vous trouverez peut-être une petite ligne d’espoir qui brille sur les ruines d’une maison effondrée.

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