Rimbaud est mort à Marseille Zidane est né à Marseille

par Pierre de Cordova 

J’allais regarder le PSG quand Anaïs m’envoya cette demande, ça vous tente un éditorial pour Strophe.fr, je lui demande sur quoi il doit porter.

– Ce que vous voulez
– Même le foot ?
– Si ça fait sens oui

            Rimbaud est mort à Marseille
            Zidane est né à Marseille

            entre ces deux séquences
            l’un passe dans l’autre
            Que ça ne m’étonne pas

Je pourrais parler du trou dans la couche d’ozone ou de la disparition des nuages de mots dans les présentations PowerPoint.

Il me manque au football
le détachement que j’ai pour le reste.

J’ai découvert le football
avant la littérature

J’ai quitté le football
à cause de la littérature

(snobisme imbécile)

(j’ai essayé la mélancolie
du rugby, ils regardaient
tous derrière).

Le football est mon talon d’Achille et Quand
j’ai vu Zidane, mon cœur fit boum.
Comment aurais-je pu savoir
Qu’il serait mon dernier enthousiasme intellectuel.

            La passe de Zidane est la
            contraction d’une dette
            dont l’expérience est
            l’insurmontable.

On espère que ses gestes sur le terrain seront exportables dans un document word. Pomme x, Pomme v, ni vu ni connu.
Parce que le plagiat de Zidane est impossible, il devient nécessaire.

            L’extrême seconde
            où s’accumule dans son
            geste le décisif
            et l’inaugural

            La conclusion est un commencement

Il suffit de voir Zidane sur un terrain pour savoir ce que peut le corps devant un mac.

Un écrivain ne sue jamais,
il prétend souvent le contraire,
écrire avec son corps
quelle vaniteuse démence
à la rigueur avec son cœur

            il joue loin
            l’autre
            est un contournement
            suave.

Au moindre mouvement
la circonférence d’une surface
se déplace
avec ses chevilles.

            La victoire de la grâce  
            sur le hasard des combinaisons
            est l’apothéose littéraire

Zidane est la preuve que Matisse avait raison

ses chevilles
l’Articulation
du ciel et de la terre.

Mon histoire avec le football est l’histoire de mon père avec le football, ma secrète trappe d’indicible filial.

(La supériorité littéraire de la France
sur l’Allemagne ne compensait pas
notre annexion philosophique)

Mon père regardait Zidane
de telle sorte
Qu’on pouvait enfin
gagner l’Allemagne.

            Dans mon rêve
            Il revenait encore
            orteils et poignets
            ensanglantés.

Je regarde Zidane comme
Lou Reed devant Bowie.

            Dans la surface
            de réparation
            où il rentre
            je cautérise
            ma blessure
            dans sa liesse.

De ce que j’écris
je me demande
ce qu’il en pense.

J’aimerais pouvoir justifier mon écriture par nécessité interne, exigence intime et solennelle, en vérité, j’écris pour la seule raison fondamentale que ma pratique du football fut interrompue dès mon enfance, pour des raisons techniques (je ne savais pas jongler) et physiques (l’impression permanente de subir mon corps avec le ballon).

La littérature m’est devenue la continuation du football par les seuls moyens de mon niveau, le langage comme dépit.

            La poésie et Zidane
            sont la seule façon
            de dribbler mon langage.

D’un point de vue tactique, le football consiste à attribuer des fonctions à des joueurs. Le dépassement d’une fonction se nomme poème dans le champ linguistique.

Mon Onze de France
1-
Foucault
2-Gracq   5-Mallarmé     4-Char    3-Breton
 7-Deleuze      6-Descartes
8-Rimbaud   10-Zidane (capitaine)
9-Sollers

PS : Gilles Deleuze dit quelque part qu’il y a un Z dans le nom des deux plus grands philosophes, Nietzsche et Spinoza. Peut-être pensait-il aussi à lui-même.

Zinedine Zidane, l’hypothèse du ZigZag est deux fois plus crédible quant à l’existence d’une pensée corporelle.

Photo : © DR

Lire…

Le jour de l’oraison – Stand-up
Pierre de Cordova – Éditions du Bunker

Pierre de Cordova 

Pierre de Cordova s’impose comme une figure émergente de la poésie contemporaine française, explorant les confins du langage et de l’identité à travers une œuvre audacieuse et introspective.

Dans son recueil Le Jour de l’oraison, publié en septembre 2024 aux éditions Du Bunker, l’auteur adopte une posture narrative inédite : celle d’un narrateur qui s’exprime depuis la mort. Cette perspective singulière permet à de Cordova d’interroger la parole, l’amour et la mémoire, tout en déconstruisant les mythes fondateurs tels qu’Orphée et Eurydice. L’ouvrage se présente comme un « stand-up » poétique, mêlant humour noir, érudition et références contemporaines, de Roland Barthes à Aya Nakamura.

L’écriture de de Cordova se caractérise par une tension constante entre le lyrisme et la distanciation, offrant une réflexion profonde sur les mécanismes de la langue et les possibilités de l’expression poétique. En redéfinissant les contours du poème et en interrogeant la place du sujet dans le texte, il propose une œuvre résolument moderne, ancrée dans les préoccupations de notre époque.

Avec Le Jour de l’oraison, Pierre de Cordova affirme une voix originale et puissante, invitant les lecteurs à une expérience littéraire à la fois déroutante et captivante.

 

1 Commentaire
  • Anna
    Publié à 15:28h, 13 mai Répondre

    Réjouissant édito !

    (Signé : une fan même pas anonyme)

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